État d'inception

« Vous dormez », dit la voix, « vous dormez profondément, vous êtes tombé dans vous-mêmes et vous n’avez pas encore touché le fond ». Une fois capable d’accommoder votre regard sur l’espace qui vous entoure, vous découvrez une ville aux rues désertées, recouverte d’une voûte sur laquelle ont été peints le soleil et des satellites. Pas de traces d’explosions, l’enseigne des banques est intacte.

Puis vous voyez un individu portant un masque, poursuivi par plusieurs policiers avec des casques. La scène se répète plusieurs fois. Parfois ce sont les policiers qui ont des masques et l’individu un casque, parfois les policiers n’ont ni casques, ni masques, et rient à gorge déployée en découpant des oreilles. Parfois il n’y a que des policiers qui courent dans tous les sens, sans motif apparent, et certains, en passant près de vous, prennent des photos, ou tentent de vous asséner un coup en vous criant quelque chose comme : « Islamauchiste ! », tandis qu’un écran géant diffuse le communiqué du Secrétaire d’État chargé de la Ségrégation. Une fois pourtant vous voyez une scène différente : les policiers marchent à reculons, comme la foule, qui semble dès lors les poursuivre, et vous constatez que les visages de cette foule inversée sont invisibles, en l’absence même de masques ou de casques, parce que chaque visage rayonne, d’un bleu obscur. Ce rayonnement vous attire et son intensité vous blesse le regard, vous cherchez à vous protéger les yeux avec votre main et vous constatez que celle-ci a été arrachée, vous vous réveillez en hurlant ___ mais votre cri est silencieux, tout est silencieux dans la chambre d’hôtel que vous occupez, l’écran de télévision diffuse un communiqué que le bandeau en bas de l’écran attribue au Secrétaire d’État chargé de la Dépopulation, les murs vibrent, se dédoublent, le sol est instable sous vos pieds, vous perdez l’équilibre. Titubant, vous allez à la fenêtre et vous découvrez une ville dévastée, des corps gisants que des tanks écrasent, des avions qui volent à basse altitude, des explosions mais aucun son, juste des gerbes de métal, de bitume et de sang. Le ciel est une voûte sur laquelle ont été peintes des images de seringues. Une feuille à moitié calcinée vient soudain se coller sur la fenêtre près de laquelle vous vous tenez, elle comporte la phrase suivante : « VOUS NE DORMEZ PAS, RÉVEILLEZ-VOUS », ce qui a pour effet de vous faire perdre conscience alors que les murs de la…

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Auteur: lundimatin