Depuis quelques années, les grèves massives et victorieuses se succèdent aux États-Unis. Leur généralisation est-elle possible ? Comment la lutte syndicale fonctionne-t-elle dans ce pays ? Peut-on s’en inspirer en France ? Entretien avec Clément Petitjeann sociologue et maître de conférences en études américaines à l’université Panthéon-Sorbonne.
Après avoir refusé plusieurs fois les propositions de leur direction, les salariés de Boeing ont obtenu, ce 4 novembre 2024, une augmentation de salaire de 38 % sur quatre ans, dont 13 % immédiatement. Comment comprendre la force et la durée de leur grève ?
Cette grève, qui dure depuis 7 semaines, est la plus importante depuis celle des salariés de l’automobile, en 2023. Boeing est central dans l’économie américaine. C’est le principal exportateur, il représente 1,6 million d’emplois et collabore avec environ dix mille entreprises sous-traitantes. Près de 33 000 personnes sont couvertes par le syndicat des machinistes, IAM, (International Association of Machinists and Aerospace Workers). Les grévistes ont donc jugé à plusieurs reprises qu’ils pouvaient obtenir plus que ce que le patronat leur proposait, et cela a payé.
Le contexte politique était plutôt favorable, ni Boeing ni l’administration Biden n’avait intérêt à ce que la grève dure. Cela créait une incertitude supplémentaire dans une élection dont la couverture médiatique et les sondages d’opinions laissaient penser qu’elle serait très serrée. Les résultats montrent que ce n’était pas tout à fait le cas – puisque Trump gagne au niveau du collège électoral et du vote populaire. C’était la même chose avec la récente grève des dockers : certains responsables de l’administration Biden – la secrétaire au Travail Julie Su, le secrétaire d’État aux Transports, Pete Buttigieg – ont poussé les armateurs à négocier avec les syndicats.
Auteur: Guillaume Bernard