Tout le monde connaît les règles. En ces temps où de nouvelles règles sont annoncées chaque minute, il est intéressant de se pencher sur leur « fabrication ». Au Moyen-âge, comme à notre époque contemporaine, la règle a toujours été dépendante de la mesure.
Au festival d’Avignon, en juillet dernier, je suis allée voir Entre chien et loup, une adaptation au théâtre du film Dogville mise-en-scène par Christiane Jatahy : une occasion pour la metteuse-en-scène brésilienne de revenir sur la situation politique dramatique de son pays. À l’entrée, le masque était évidemment de rigueur, mais les spectateurs furent également astreints à goûter leur gourde d’eau, et à déposer leur gel hydroalcoolique sur une table dédiée à cet effet. J’ai ainsi découvert qu’au-delà d’une certaine jauge de public, les liquides étaient interdits comme dans les aéroports — plan Vigipirate oblige.
Ces derniers dix-huit mois, la crise pandémique est venue ajouter des règles pour limiter la propagation du virus, mais celles-ci viennent souvent interférer avec d’autres mesures préexistantes, rendant parfois la situation ubuesque. Cela peut créer chez certains un sentiment d’insécurité juridique – ne sachant plus ce qui est autorisé ou non. Everybody knows the rules. Tout le monde connaît la règle. Quand Emmanuel Macron interpelle les forces de l’ordre israéliennes à l’entrée du Saint-Sépulcre en janvier 2020, avec son French accent si propre aux présidents français, il renvoie à une règle en vigueur depuis plusieurs siècles sur la base d’une situation sociale, religieuse et politique complexe. Si bien entendu, les règles sont nécessaires, le fondement de la démocratie et du bien commun, la crise pandémique, mais également les états d’urgence successifs, voient surgir leurs lots de règles, de lois ponctuelles, et on peut se demander quelle logique sous-tend des prises de décision aussi rapides.
Le mot règle, vient étymologiquement du terme regula (la règle), du verbe rego qui veut dire conduire, diriger. En anglais, l’anthropologue Tim Ingold nous rappelle, « le verbe ruler désigne un souverain qui contrôle et gouverne un territoire. Le même mot désigne aussi une règle, un instrument pour tracer des lignes droites. »
[4] En français, comme en anglais, la règle est à la fois l’outil de mesure, comme la mesure elle-même. On peut noter également le double sens de mesure (mesurer, prendre des mesures). Aussi, la règle permet de contrôler, les distances, les…
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Auteur: lundimatin