Le mois dernier, se tenait à Paris le Réel, soit le 46e festival international du film documentaire. La Fraction des tigres à dent de sabre, collectif ad hoc de cinéastes cinéphiles communisto-insurrectionnel, est allée voir ce que proposait cet évènement incontournable du cinéma contemporain et engagé. À travers ce compte rendu analytique des meilleurs séances, se pose la question de ce que peut et doit le cinéma aujourd’hui : délier par la représentation les évènements et luttes politiques de leur puissance ou au contraire tenir ensemble « l’art, la vie et la révolte, dans un même geste ».
Nous attendons d’un festival de cinéma qu’il nous aide à déplacer nos manières de voir et de faire, que de la salle émerge un rapport vivant à ce qu’on regarde. Nous désirons que ce moment – surtout s’il prétend parler de luttes et de communautés – vienne se lier avec la vie et le politique. Puis il y a la réalité du Réel, au cœur du Paris marchand, et le vide réel que nous laissent ces désirs vains.
Ici, pas de Farocki pour s’écrier « Réalité » et difficile de jouer les Godard. La gueule du loup est resserrée, pour y entrer il faut d’abord passer les portiques de sécurité en se séparant de ses objets dangereux et si possible de sa volonté critique. S’installer dans des salles sans âme, adopter l’attitude religieuse et disciplinée qu’exige l’art du documentaire. Qui l’exige ? En tout cas les partisan’nes du sérieux dans la salle ne manquent pas de se faire gardien’nes de l’ordre des manières de regarder – disciplinées, silencieuses, insensibles – à coup de regards sévères, de « fermez vos gueules » et de « vous cassez les couilles ». La gueule du loup a aussi son propre dispositif anti-débat, composé de spécialistes de Marx qui comblent l’apparition gênante du silence qu’il faut à tout prix éviter. Après la projection du film l’Evangile de la…
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Auteur: dev