Experts et Repentis

Seule la confession du repenti semble pouvoir interrompre la leçon continuelle de l’expert. Déployée au sortir d’un système voué à porter la parole scientifique, elle en révèle volontiers les erreurs et les vices. L’ironie du sort, c’est pourtant que le repenti est écouté en tant qu’il en sait un peu plus : il est valorisé pour son expertise contraire. Faut-il alors penser qu’il est le dernier apôtre de la religion du connaitre ?

Faisant suite à Répondre à la science, ce deuxième essai de gnoséosophie s’intéresse à la façon dont la subjectivité proprement scientifique participe à la mise en cohérence du système d’expertise. Il souhaite aussi montrer l’importance de suspendre la volonté de savoir pour laisser une place à l’inconnu. Et que vivent les conceptions, par-delà les flux d’informations qui assaillent nos existences.

Prendre la mesure de l’expert

L’expert est dans la place. Il parle sans interruption pour assurer la continuité pédagogique. Après avoir décrypté l’actualité nationale et internationale, puis commenté les progrès et conflits humains, il éclaire le présent et devine l’avenir proche. Le soir à la télévision, pour divertir de son sérieux, il résout des enquêtes criminelles avec ses collègues de la police scientifique. Il est omniprésent parce qu’il est omnipensant, peut-être omnipotent.

Le système qui nous héberge valorise sa compétence. C’est le spécialiste des spécialistes, il est à la pointe des savoirs : on ne saurait lui couper la parole. Ayant exercé dans de nombreuses institutions ou groupements, il dispose aussi d’un savoir éprouvé, d’une connaissance polie par le temps des expériences : ce n’est pas un débutant. On peut donc lui faire confiance, et agir en fonction de ce qu’il dit des situations dans lesquelles on évolue : investir dans le dernier engin numérique c’est-bon-pour-la-planète, fuir et moquer les complotistes, se faire triple vacciner…

En la matière, les gouvernants montrent certes l’exemple. Ils dirigent la société en vertu de ses verdicts. Toutefois, pour ne pas paraître dépendre entièrement des conseils scientifiques et autres bureaux d’études qui « préparent les dossiers », ils s’appliquent à faire croire qu’ils en connaissent presque autant que lui, du moins qu’ils sont en capacité de le comprendre. C’est qu’il faut décider en connaissance de cause, et diriger à bon escient ! Ainsi Macron s’est-il fait épidémiologiste par l’opération du Saint Esprit,…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin