Face au décrochage scolaire « organisé », des enseignants réinventent l'école publique et ses pédagogies

D’abord, il a fallu faire face à l’isolement imposé. « On a été lâchés dans le confinement, chacun chez soi, parfois sans cadre légal, avec des collègues livrés à eux-mêmes », se remémore Jacqueline Triguel, professeure de français dans un collège des Yvelines. Très vite, la question du décrochage scolaire s’est posée. « Pendant les deux premières semaines de travail à distance, j’avais huit heures en visio, mon temps était complètement fragmenté… J’avais trois élèves au maximum sur trois heures, ça a été désastreux pour eux », raconte Matthieu-Karl Fonvieille, enseignant en histoire-géographie et éducation morale et civique au collège d’Emerainville (Seine-et-Marne).

Sans présence dans les établissements, les échanges entre collègues sont devenus plus épars. « On s’est alors tourné vers les collectifs. Ceux-là se sont resserrés », assure Jacqueline Triguel, évoquant « un coup de boost, né d’une nécessité ». Les collectifs porteurs de pédagogies alternatives à visée de transformation sociale – Freinet, pédagogie institutionnelle, pédagogies critiques… – sont nombreux dans toute la France. L’enseignante est elle-même membre des collectifs Questions de Classe(s), Lettres Vives, et du groupe Freinet second degré d’Île-de-France.

« Pour ne pas subir la situation, il faut être dans une dimension créative, quand on en a l’énergie », soutient Anne-Laure Fourmont, professeure d’histoire-géographie depuis quinze ans dans un collège classé « réseau d’éducation prioritaire », REP+, à Sevran (Seine-Saint-Denis), et engagée dans le groupe de pédagogie institutionnelle depuis autant de temps. Ce collectif a pour habitude de se réunir une fois par mois. Dès le premier confinement, le besoin s’est fait ressentir de « relancer notre pensée, parce que l’on se sentait à l’arrêt, pris dans une sidération… », souligne l’enseignante. Les réunions se sont donc poursuivies, en visioconférence. « Fracture numérique, manque d’équipements, inégalités des élèves dans l’accès aux cours : on était face à des situations difficiles dans nos établissements. Le collectif nous a soutenus dans l’adaptation à cette situation » assure Anne-Laure Fourmont.

« Je ne m’en serais pas sortie sans ces collectifs »

Pour Jacqueline Triguel, le constat est sans appel : « Je ne m’en serais pas sortie sans ces collectifs. Ils fonctionnent avec des listes d’échanges, des collègues y envoient des SOS, viennent y chercher des…

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Auteur: Maïa Courtois