Faire écran

Extrait de Selfie, avoir 16 ans à Naples d’Agostino Ferrente.

Deux films italiens de 2019 mettent en avant de façon très différente et assez habile les usages du smartphone par de jeunes gens, bien loin de la ringardise du cinéma français sur un sujet analogue. Selfie, avoir 16 ans à Naples d’Agostino Ferrente est un documentaire dans lequel deux ados napolitains issus d’un quartier populaire racontent à travers l’écran d’un smartphone leur quotidien. Likemeback de Leonardo Guerra Seràgnoli est un film de fiction suivant les pérégrinations de trois copines de « bonne famille » accros au smartphone et qui fêtent leur réussite au bac en faisant une croisière en voilier le long des côtes croates.

Le grand intérêt de Selfie, avoir 16 ans à Naples est l’effacement du cinéaste qui se contente de fixer le « concept » de départ, puis laisse les deux garçons construire leur propre film avec le smartphone à leur disposition. « Concept » n’a rien ici d’une catégorie marketing creuse, au contraire il consiste à faire surgir du regard et du récit proposés par les personnages-filmeurs une manière tout à fait singulière d’appréhender le réel, leur réel. Des choix de scènes et de montage jaillissent des affects des filmés qui s’opposent à l’utilisation courante de l’option vidéo des smartphones auquel le titre du film fait pourtant référence. En effet, ils relèvent moins de la pose égocentrique calculée que d’une fragile tentative d’unification d’une population désœuvrée regroupant aussi bien les vivants que les morts partis trop tôt (une bavure policière commise sur un jeune du quartier hante, entre autres, les deux garçons et leur entourage).

Plus encore qu’un simple pied-de-nez aux prescriptions d’utilisation stratégiques du dispositif du smartphone et de ses applications, Ferrente parvient à le « profaner »,

Auteur: Jean-Maurice Rocher
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