Faire grève dans l’informatique : un secteur clef qui s’ignore

 

Et si les salariés de l’informatique se mettaient à faire grève ? Imaginez, les datas centers arrêtés, les connexions qui ne marchent plus, les serveurs des entreprises qui plantent, l’arrêt total du pays… Concrètement, on n’y est pas encore.

 

Julien* est jeune, sympathique, informaticien et repéré comme « le gaucho de la boîte ». C’est vers lui que les regards se tournent quand éclate un fort mouvement social. « Mes collègues savent que je suis à la CGT, donc ils me demandent si je fais grève. Avec un grand sourire un peu naïf, je leur réponds : “Oui, et toi aussi ?” Là, souvent, ils évitent la question. »

Dans son entreprise toulousaine d’une trentaine de salariés, Julien développe des logiciels d’application mail et de calendrier. Le 19 janvier 2023, premier jour de mobilisation contre la réforme des retraites, ils étaient seulement deux à s’être mis en grève. « Pourtant, si on oublie une moitié des employés qui se foutent de la réforme, la seconde moitié y est plutôt opposée. Mais faire grève, ça les dérange. A la limite, ils préfèrent participer en faisant un don à une caisse de grève. » Un constat partagé par Arnaud Landais, syndicaliste chez Solidaires Informatique. « Ce n’est pas parce qu’ils ne font pas grève qu’ils ne sont pas d’accord avec nous… mais ce n’est tellement pas dans nos pratiques », analyse-t-il.

Or l’informatique est l’un des secteurs rassemblant le plus de salariés en France. La convention collective des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, à laquelle appartiennent les entreprises de Julien et d’Arnaud Landais, regroupe 910 000 salariés et pèse pour 7% de l’économie française. Un secteur où la grève est rare, mais dont l’arrêt pourrait avoir un véritable poids dans la bataille sociale.

 

Pas d’informatique, pas de production

 

L’informatique peut théoriquement apparaître comme un secteur clef pour une raison simple : pratiquement tout le monde l’utilise au boulot. Dans leur enquête « Conditions de travail » (2019), l’Insee et la Dares (Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du Ministère du Travail) estiment que 79% des salariés utilisent l’informatique dans leur travail en 2019, contre 60% en 2005. Chez les cadres, ce taux est évidemment proche de 100%. Plus étonnant, 50% des ouvriers non qualifiés s’en servent également au travail puisqu’ils sont 53% à utiliser un téléphone portable pour…

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Auteur: Guillaume Bernard