Dans les sciences sociales, le concept de « société » renvoie généralement à l’ensemble arbitraire des systèmes culturels et des structures sociales qui font des humains des êtres essentiellement cultivés. Ainsi inscrite dans l’ordre artificiel des inventions humaines plus ou moins solides et pesantes, la société humaine se distinguerait par définition de l’ordre naturel des sociétés animales, rejetées dans le domaine non humain, sinon inhumain, de la biologie.
C’est cette discontinuité de principe que remettent en question les travaux en sciences cognitives et affectives, en psychologie comparée et en éthologie. Loin de se réduire à une construction artificielle, la société est aussi un fait de nature qui a exercé, à l’échelle de l’évolution des espèces, des pressions adaptatives sur le développement du cerveau des animaux sociaux. Les êtres humains font partie, eux aussi, des espèces naturellement sociales dont les capacités répondent aux exigences de la vie en société.
Les ressorts de l’affiliation
Quelles sont donc les capacités sociales que les humains partageraient avec leurs plus proches cousins, en l’occurrence les primates non humains ? Les habiletés affectives et cognitives élémentaires sont celles qui sous-tendent les dynamiques de groupe, notamment l’échange réciproque, le soin de la progéniture, l’empathie et la coopération, le contraste en-groupe/hors-groupe, la peur de l’isolement, bref les ressorts essentiels des comportements affiliatifs.
Bien entendu, les relations de base ne sont pas uniquement coopératives : elles englobent également les rapports de compétition, de domination ou de prédation. Identifier rapidement ces relations élémentaires et repérer les permissions, obligations, prohibitions qui les caractérisent assure l’intégration dans le groupe et permet à tout un chacun d’anticiper le comportement de ses congénères.
De nature peu réflexive,…
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Auteur: Laurence Kaufmann, Professeur de sociologie à l’université de Lausanne, Inserm