« Faire une analyse marxiste de la pensée du jeune Marx ». Entretien avec Michael Löwy

Les Éditions sociales viennent de rééditer le livre de Michael Löwy La théorie de la révolution chez le jeune Marx. C’est l’occasion pour nous de poser quelques questions à son auteur sur la démarche qui avait été la sienne à l’époque, les rapports entre son ancrage militant et son appropriation de la pensée de Marx, la place du « moment romantique » dans sa critique du capitalisme, et d’autres choses encore.

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Votre ouvrage La théorie de la révolution chez le jeune Marx, qui paraît aux Éditions sociales, est une réédition de votre thèse de doctorat, réalisée sous la direction de Lucien Goldmann, et initialement publiée en 1970 chez Maspero. Pourriez-vous revenir sur les circonstances de la rédaction de ce travail, ainsi que sur ce que fut sa réception à l’époque ?

Je suis né au Brésil, et j’ai fait mes études à l’Université de São Paulo (1955-60). En 1961 je pars pour la France (avec une bourse d’études), avec un projet très précis et défini : faire un doctorat sur le jeune Marx avec Lucien Goldmann. Sauf erreur, je pense que j’ai été son premier doctorant. Il m’a reçu pour une première conversation, et après avoir vérifié que je connaissais bien l’allemand (ce fut ma langue maternelle dans mon enfance), a accepté de diriger ma thèse. J’ai suivi ses cours à l’Ecole des Hautes Etudes qui portaient sur Marx et le marxisme ; un peu plus tard, vers 1963, il a changé pour la sociologie de la littérature, à ma grande déception.

Mon engagement politique au Brésil dans une petite organisation « luxemburgiste » a, dans une large mesure, influencé ma lecture de Marx. En mettant au centre de mon projet l’idée d’auto-émancipation révolutionnaire du prolétariat, je proposais une interprétation « luxemburgiste » de Marx. En même temps, j’ai essayé de suivre, au plus près, la méthode de sociologie (marxiste) de la culture de Lucien Goldmann, qui analyse les visions du monde présentes dans diverses œuvres culturelles (littérature, philosophie, religion) en rapport avec les classes sociales.

Par exemple, dans son grand classique, Le Dieu Caché, Goldmann avait montré le lien entre la vision du monde tragique d’auteurs proches du jansénisme, comme Racine et Pascal, et la situation sans issue de la noblesse de robe au 18ème siècle. Lucien Goldmann m’a beaucoup aidé à donner forme à cette recherche. Je me considérais comme son disciple ; nous étions tous les deux au PSU, mais pas dans la même tendance. Avec un brin d’ironie, je me…

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Auteur: redaction