Familles recomposées : belle-mère, une place toujours inconfortable

En 2019 en France, selon les données du recensement, 800 000 beaux-parents vivent avec des enfants de leur conjoint ou conjointe. Parmi eux, 27 % sont des belles-mères. Ce que ces données ne disent pas, c’est qu’il existe en réalité de nombreuses autres configurations de familles que l’on nomme recomposées à partir desquelles le nombre de belles-mères notamment pourrait être revu à la hausse. La statistique publique peine à comptabiliser les familles recomposées, car la circulation des enfants entre plusieurs foyers est en effet difficile à appréhender pour l’appareil démographique.

Celui-ci a jusqu’à présent arbitré pour une définition de la recomposition familiale selon laquelle les enfants nés des précédentes unions « vivent » au sein du foyer recomposé. Or, le verbe est dans la statistique publique synonyme de « cohabiter » de manière permanente ou en alternance (au sens juridique de la résidence alternée qui reconnait la parité du temps passé chez chacun des parents séparés).




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Néanmoins, les statistiques judiciaires rendent compte d’une résidence majoritairement fixée chez un seul des deux parents après la séparation, le plus souvent la mère (près de ¾ des décisions enregistrées par la justice aux affaires familiales), l’autre parent hébergeant donc bien souvent ses enfants sur un temps restreint (un week-end sur deux et la moitié des vacances). Ajoutons à cela que les trajectoires de remise en couple divergent entre les pères et les mères, les hommes se remettant plus souvent et plus vite en couple que leur ex-conjointe.

Se dessine ainsi un type de famille recomposée laissée dans l’ombre dans le dénombrement de l’Insee, bien qu’il s’agisse en réalité sans doute d’une part substantielle de ces configurations : les familles composées d’une belle-mère, elle-même sans enfant, vivant avec les enfants de son conjoint une petite partie du temps.

Invisibilisées dans la statistique publique, ignorées du législateur malgré quelques tentatives avortées pour légiférer notamment sur un statut du beau-parent, ces belles-mères souffrent de stéréotypes négatifs tenaces les concernant. Leur place apparaît d’autant plus incertaine qu’elle se heurte en miroir à la stabilité et à la centralité attribuées au rôle maternel. En bref, être belle-mère dans une famille recomposée semble bien plus difficile qu’être beau-père.

Du veuvage à la coparentalité

Ces situations familiales ne constituent pas tant, dans leur morphologie, une forme spécifiquement moderne de la famille occidentale. Elles ont existé de longue date, mais résultaient d’un veuvage là où les « familles recomposées » contemporaines se créent en très grande majorité suite à un divorce ou une séparation.

Ce changement pose des questions nouvelles, notamment en ce qui concerne la place prise par le beau-parent. Hier, le décès d’un des parents d’origine permettait au nouveau ou à la nouvelle partenaire de la personne veuve de se « substituer » au parent qu’il vient remplacer. Aujourd’hui, la place n’est plus vacante, et le principe de coparentalité structure la régulation des situations post-séparation : prenant pour acquis qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’être « élevé par ses deux parents, que le couple parental soit uni ou désuni », il pose en possible suspecte la figure beau-parentale que l’on soupçonne d’usurper la place du parent absent du foyer. L’exclusivité qui sous-tend nos modèles de parenté (un seul père et une seule mère) est redoublée dans le cas de la mère du fait de la centralité de son rôle auprès des enfants.

Pas facile d’être belle-mère avant d’être mère (La Maison des Maternelles, France 5, 2022).

Par ailleurs, les pouvoirs publics se sont alarmés de liens distendus entre les enfants et leur père suite aux séparations conjugales. Ces inquiétudes font en partie reposer sur les épaules de la belle-mère une forme de responsabilité : une relation conflictuelle avec ses beaux-enfants risquerait de fragiliser la relation au père, d’autant que la paternité reste encore majoritairement médiée par une figure féminine (la mère des enfants dans…

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Auteur: Justine Vincent, Doctorante, Université Lumière Lyon 2