Fantasmes autour d'un État fort en Tunisie

Manifestation de soutien au président tunisien Kaïs Saïed après son « coup de force », le 25 juillet à Tunis.

Sfax, la prospère ville portuaire du Sud-Est tunisien. En ce dimanche 25 juillet, jour symbolique de l’anniversaire de la première République de Tunisie (1956), les mesures rendues publiques en soirée par le président Kaïs Saïed agissent comme un véritable séisme. Limogeage du premier ministre, Hichem Mechichi, gel pour trente jours des activités du Parlement… À l’annonce de ces premières mesures, la colère et la morosité des Tunisiens cèdent la place à la joie et à l’espoir. En quelques heures, une liesse nocturne et spontanée contamine les rues et places de la ville. Visages rayonnants et soulagés de milliers de Tunisiens, toutes générations confondues, enfin libérés du poids de la sinistrose. Un coin de soleil vient de déchirer la lourde chape orageuse qui planait sur leur pays.

Mme Sana Masmoudi incarne l’intensité de cette émotion libérée. À 44 ans, cette formatrice pédagogique à l’université de Sfax réagit sans détours : « Ce jour restera comme une date exceptionnelle pour la majorité des Tunisiens. Après des années de crise et de marasme, les décisions du président nous ont redonné l’espoir dans la possibilité de bâtir la troisième République et un avenir meilleur pour la Tunisie. Cela sans que nous perdions nos libertés acquises depuis la révolution de 2011 ». « Bâtir », mais « sans rien perdre » des libertés acquises… Tout est dit sur la portée de cette page tournée. À n’en pas douter, un nouveau chapitre de la révolution tunisienne vient de s’ouvrir. Il est vrai que le blocage aux sommets de l’État avait fini par écœurer la population. Dernier exemple de cette guerre de tranchée : en avril 2021, M. Kaïs Saïed refusait de promulguer un amendement à la loi organique relative à la formation de la Cour constitutionnelle, alors même que cette instance, essentielle aux mécanismes démocratiques, doit être créée depuis… 2014 ! De son côté, M. Hichem Mechichi limogeait, le 7 juin, M. Imed Boukhris, le président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), organe central de la transparence politique en Tunisie… Tout cela dans un contexte délétère marqué par un regain de la pandémie de Covid-19 et une dramatique pénurie d’oxygène pour soulager les malades.

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Auteur: Olivier Piot