Fascisme, définition

Verossi (Albino Siviero). — « Ritmi di atmosfera fascista » (Rythmes d’ambiance fasciste), 1938.

Il devrait commencer à être assez clair, quand des milices défilent dans Paris au cri de « Paris est nazi », et poignardent des militants de gauche, que ce vers quoi nous nous dirigeons mérite d’être appelé « fascisme ». C’est clair, et en même temps pas encore si clair. Il se trouve que dans l’épisode en question, la référence historique directement convoquée, il n’y a pas matière à interpréter sans fin. C’est d’ailleurs bien le drame qu’il faille des affichages aussi nettement reconnaissables pour que le commentaire concède « fascisme ». Il faudra probablement les croix gammées au fronton des édifices publics pour que La Nuance accorde le danger d’une dérive fasciste – pour l’heure, on consent à dire « illibéral », et encore : les jours de grande ébriété politique. Il est vrai que certains en sont toujours, quatre-vingt ans plus tard, à dénier, contre la collaboration et les rafles, qu’il y eut quoi que ce soit comme un fascisme français.

Le refus d’obstacle n’est malheureusement pas circonscrit à la presse bourgeoise. Pour des raisons qui tiennent à des exigences supposées de rigueur historique et à des arrière-pensées politiques moins avouables, de nombreux secteurs de la gauche critique ne veulent simplement pas dire « fascisme » – c’est qu’une « panique fasciste » est mauvaise conseillère, fait les ruées électorales et les fronts républicains assemblés n’importe comment, bref l’errance des masses. Voilà pour les arrière-pensées politiques. Quant aux exigences de rigueur, on les abrite derrière Poulantzas, Marx ou Gramsci – alors on dit : « État autoritaire », « bonapartisme » ou « césarisme ». Mais surtout pas « fascisme ».

Or, nous sortons du « bonapartisme » ou du « césarisme » quand l’État…

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Auteur: Frédéric Lordon