Faut-il célébrer la « valeur travail » pour défendre les travailleurs ?

A intervalles réguliers, la notion de « valeur travail » revient dans le débat politique français. Ce terme est le parfait exemple d’une expression qui n’existe que dans la sphère politico-médiatique, du moins dans son sens moral (et non son sens économique, selon lequel la valeur d’une marchandise est déterminée par la quantité de travail qu’il a fallu pour la produire). Au quotidien, on entend surtout « faire des efforts », « bouger son boule » voire « se sortir les doigts du cul ». En politique, la « valeur travail » est toujours présentée comme un horizon avec lequel il faudrait renouer. En 2007 puis 2012, Nicolas Sarkozy avait réussi à capter un électorat plus populaire en parlant de la « valeur travail », sous le slogan « travailler plus pour gagner plus ». Dans les faits, il s’est agi surtout de travailler plus pour gagner moins.

La nouveauté, cette année, c’est que cette notion a été réintroduite par des personnalités de gauche : le député France Insoumise François Ruffin l’a évoqué en parlant des explications idéologiques au vote RN en Picardie. Autrefois bastions de la gauche, les départements de la région Hauts-de-France ont basculé vers la droite extrême, et Ruffin cherche à en comprendre les raisons. Les personnes rencontrées par le député lui ont dit que pour elles, la gauche était associée au « parti des assistés » et non plus à la « valeur travail » donc. Fabien Roussel, député communiste qui vit de la politique depuis son plus jeune âge, lui a emboîté le pas, sur un mode non plus descriptif mais prescriptif, en multipliant les sorties opposant travailleurs et chômeurs.

Le vol de la valeur qu’on produit en travaillant se fait sur le plan financier mais aussi parfois symbolique : on bosse comme un dingue et c’est votre chef qui s’attribue tout le mérite.

La coexistence de ces deux termes, « valeur » et « travail », n’a rien d’évident sur le plan moral. En régime capitaliste, une partie de la valeur que produit notre travail est récupérée par notre employeur pour générer du profit. C’est le cas dans les entreprises privées, certes, mais aussi, dans un sens, dans le secteur public : à l’université, on sous-paie les précaires pour que des grands professeurs puissent se partager prestige et traitements avec prime, dans la fonction publique territoriale on fait bosser des services civiques pour continuer à rémunérer élus et directeurs généraux des services… Le vol de la valeur qu’on produit en travaillant se…

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Auteur: Rédaction Frustration Mag