Fermez le capitalisme !

Il n’est pas indifférent de noter que les auteurs de cet essai à six mains, mais composé de trois textes respectivement identifiés à chacun d’eux, sont tous trois professeurs dans une grande école de gestion et management, l’ESC Clermont Business School, où ils couvrent par leurs attributions ou spécialisations respectives le champ sémantique et pratique de la « science » managériale, science dont il est dit qu’elle « s’intéresse en priorité au pilotage de l’action collective finalisée » (p. 25) : innovation et entrepreneuriat (E. Bonnet), économie et humanités numériques (D. Landivar), redirection écologique et design (A. Monnin). La mention a son importance dans la mesure où les auteurs prennent place dans les réflexions actuelles en écologie politique en s’ancrant dans la réalité industrialo-managériale et en invitant à partir d’elle et contre elle à une prise de conscience pour un changement radical.

Précisément, argumentent-ils, les propositions écologistes sont absentes des champs de la recherche managériale (supplies studies, logistic studies, infrastructures studies) intéressés aux réalités qui trament le monde : organisations, business models, infrastructures, usines, centrales thermiques, chaînes logistiques (supply chains), qui constituent ce qu’ils nomment la « Technosphère ». S’il est nécessaire, urgent, vital, de rompre avec elle, ce sera à la condition de sonder les attachements qui nous lient à elle et qui font que nous en sommes de plus en plus, collectivement, dépendants. L’intérêt, et non des moindres, de ce petit ouvrage, trois fois dense, exploratoire sans doute, certainement programmatique et bénéficiant pour cela d’une pluridisciplinarité créative, est de vouloir se dégager du discours jugé paradoxalement hors-sol d’un écologisme prospectif, voire prophétique, et de tenter de mettre au travail, quitte à les tordre et les infléchir, des concepts-clés d’une nouvelle pensée de l’habiter déployée au sein du paradigme « anthropocénique » et portés par quelques fortes figures de la pensée politico-écologique contemporaine, en les confrontant à ces incontournables réalités : sous quelles conditions peut-on « devenir Terrestre » ? S’il faut « atterrir », n’est-ce pas dans un monde menacé de devenir inhabitable et inhabité, tant la réalité de la Terre se confond avec les ruines du Globe ? Quels sont les potentiels de rupture d’une politique des communs ? N’a-t-on pas un peu trop surestimé et magnifié le concept même de communs ? Ne faut-il pas…

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Auteur: lundimatin