Feuilleton de famille

Cette semaine Fabien Drouet révèle le mystère du père Noël et des tontons gênants.

Épisode 1

Mon oncle Robert a beau être raciste et super con, il a toujours été le meilleur père-noël de la famille. Quand il fait « oh, oh, oh », mes neveux et mes nièces se ruent sur lui, et même ceux qui n’y croient plus sont tout à coup pris d’un doute. Il a la barbe blanche, le nez et les pommettes rouges, il a la voix grasse et le ventre bonhomme, il a plein de thunes et offre à chaque enfant un tas de trucs qui se branchent et font beaucoup de bruit, des armes quasi-fonctionnelles pour les garçons et des poupées quasi-sexuées pour les filles.

Moi, avec mes livres d’occasion emballés dans du papier brouillon sur lequel j’ai dessiné des petits bonhommes verts, jaunes et/ou violets, j’ai, aux yeux de mes oncles, clairement l’air d’un clochard, cela même si je suis propre et pas si mal coiffé, et j’ai l’air d’un « gros gay » même quand j’avais encore la main gauche sur la cuisse de ma petite amie, Zoé, parce qu’à la maison c’est elle qui bricolait et qui picolait, peut-être aussi parce que j’ai les doigts fins et que je préfère ouvertement Joe Dassin à Johnny Halliday.

Lorsque, pour le noël de l’année dernière, je remplaçai sur le pouce mon oncle malade dans le rôle du père-noël, dès mon arrivée, mes neveux et mes nièces se mirent tous à pleurer, de colère, à se rouler par terre en hurlant qu’il était impossible que le père-noël ait des bras aussi peu poilus, la voix aussi peu paternelle, des chaussettes dépareillés et la démarche aussi mal assurée.

J’eus beau me concentrer, et tâcher de lancer mes plus beaux « Oh, oh, oh, je suis le père-noël… », c’en était fini, ils n’y croiraient plus.

L’histoire familiale – écrite par les oncles les plus bavards et sûrs d’eux – retiendrait donc que le neveu chanteur et grand amateur de l’Eté indien, était décidément un « gros loser », féministe à défaut d’être un homme, gauchiste à défaut de savoir entreprendre, et présent à défaut d’avoir été invité ailleurs.

Mes neveux et mes nièces, quant à eux, se rappelleraient toute leur vie que c’est leur tonton un peu tapette Ghislain qui, en 2019, les avaient pour la dernière fois trahis, pour des cons, et cela – qui plus est, minablement.

Épisode 2

Cette année, le vrai père-noël (mon oncle) n’est pas malade, et même s’il a perdu quinze kilos depuis son infarctus de l’année dernière, il y a fort à parier que les enfants…

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Auteur: lundimatin