Filmer la grève, « un outil pour peser dans le rapport de force »

Acrimed : Comment avez-vous été amenées à suivre cette grève des éboueurs de l’entreprise Pizzorno à Vénissieux, en avril 2019 ?

Lina Cardenas : Je travaille sur la formation syndicale à l’union syndicale Solidaires. J’ai été amenée à suivre cette grève dans le cadre de ma thèse, je m’intéresse aux acteurs qui contribuent à organiser ce type de grève, de mobilisation. J’ai accompagné la lutte en tant que doctorante mais aussi en tant que militante sur les piquets de grève.

Jordane Burnot : J’ai suivi la grève de loin, et je suis arrivée dans un second temps de la réalisation. C’est Lina qui a fait la plupart des images sur le piquet de grève. Au départ, l’idée n’était pas forcément de faire un documentaire, mais Lina avait tourné assez d’images pour faire un film, alors le syndicat a souhaité produire un format plus long. Je suis arrivée au moment de mettre en forme toutes ces images pour en faire un documentaire. Aujourd’hui, on est encore en train de les utiliser autrement, notamment dans le cadre de la formation syndicale.

Acrimed : Lina, tu es arrivée sur le piquet de grève directement avec l’envie de filmer, ou ça a été une demande des grévistes pour contrebalancer le traitement médiatique qui était fait de la mobilisation ?

L. C. : Ce n’était pas une demande des grévistes. J’utilise l’image, la caméra comme une méthode d’enquête, je l’utilisais déjà sur mon terrain, sur des mobilisations, des formations, différents types d’espaces syndicaux et militants. Et c’est aussi parce qu’au sein de l’organisation syndicale Solidaires, il y a une volonté de filmer les luttes, les formations et de rendre compte de l’activité des militants. Mais dans cette grève, c’est moi qui ait dit aux militants : « On va aller sur le piquet, je vais prendre la caméra, on verra ce que ça donne, ça créera au moins un outil de mémoire interne. » Au début les salarié.es en grève me prenaient pour une journaliste.

Acrimed : Tu étais accueillie comment, quand on te prenait pour une journaliste ?

L. C. : C’était plutôt un bon accueil, mais pour moi un peu gênant parce qu’ils pensaient que j’étais le relai des médias, que leur lutte allait apparaître dans la presse. Sauf que j’arrivais, je disais : « J’ai une grosse caméra mais désolé, c’est que pour les archives du syndicat, au mieux pour un documentaire. » Concernant le fait de les filmer, certains n’ont pas eu de problème pour apparaître dans les images. Pour d’autres,…

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Auteur: Sophie Eustache Acrimed