Filmer la misère du journalisme politique

C’est un petit bijou offert à la critique des médias. Un très bon documentaire, pour sûr, qui n’en reste pas moins (contre sa volonté) une impeccable illustration des travers du journalisme. En tout cas, d’une partie d’entre eux : manipulation de l’information, mimétisme qui préside à sa fabrication, domination des chefferies éditoriales, division jusqu’à l’absurde du travail, bricolage, obsession du temps court et urgence permanente, décrites comme une sorte de « fatalité » par ceux qui la subissent, pour le plus grand bonheur des directions médiatiques acquises à la politique du « faire plus avec moins ».

À partir de septembre 2016, quoique principalement centré sur les mois de mars-avril 2017, Première Campagne suit donc la route d’Astrid Mezmorian. La journaliste ne fait alors que débuter au service politique de France 2 quand la cheffe du moment, Nathalie Saint-Cricq, lui demande de couvrir la campagne d’Emmanuel Macron. Au fil du documentaire, on replonge au cœur d’épisodes ayant jalonné la course de l’actuel président : ici un meeting à Bordeaux, là une opération de communication soigneusement montée à La Mongie (cf. annexe), dans les Hautes-Pyrénées, mais aussi des déplacements à Oradour-sur-Glane, en Corse ou à la foire de Châlons-en-Champagne. Autant de marathons « en extérieur » – où la nuée de micros et caméras qui s’abat sur le candidat dessine comme une carapace de tortue – alternant avec d’autres marathons, tournés cette fois « en intérieur », au siège de France Télévisions.

Fabrique de la désinformation

Si cette plongée dans le « journalisme en train de se faire » est donc l’objet (et l’intérêt) central du documentaire, qu’on ne s’y trompe pas : la réalisatrice n’entendait pas du tout produire un réquisitoire à charge sur le métier. Reste que certaines images parlent d’elles-mêmes… À commencer par la scène d’ouverture. Dans le train pour Talence, où doit se tenir un meeting de Macron, Astrid Mezmorian alerte les deux confrères – journaliste reporter d’image (JRI) pour l’un d’entre eux – qui l’accompagnent : « Ça sera vraiment en mode urgence quoi. Trouver les gens, [il faut] qu’on ratisse tout. » La consigne de la rédaction est claire : trouver « des gens qui a priori veulent voter Hamon, mais face à la campagne qui patine, face au risque Le Pen, face à la dynamique Macron, s’interrogent, sont curieux et viennent au meeting [de Macron]. » Un scénario préemballé depuis Paris,…

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Auteur: Pauline Perrenot Acrimed