Flora Bonfanti III : les régions volcaniques

Ce monde : celui où la pluralité des êtres implique la pluralité des consciences et, conséquemment, la nécessité du transport de l’une à l’autre. Le transport de quoi ? De la seule denrée mentale comestible : le sens. La région volcanique, elle, « est une seule conscience ». C’est ainsi qu’elle n’est pas de ce monde : parce qu’elle est une, elle n’a pas à transporter le sens. Alors que nous, en ce monde, nous avons à le porter tout fragmenté, de tête en tête, poussière éparpillée d’échanges. La région volcanique ne se pose pas ce problème, qui est un problème de fret, de port ou de douane : un problème de communication.

« La question du transport ne s’y pose pas. Le sens y avance, sans la traversée de ponts, sans le passage entre consciences. » (65) Ce qui en dit un peu plus sur la région volcanique : elle n’est pas étrangère à une conscience absolue, une conscience « transcendantale », un ciel de toutes les idées qui se penseraient elles-mêmes, ou, encore, cette fameuse entité pleine de magma que les monopsychites concevaient comme l’enveloppe de toute conscience singulière.

Pour comprendre le système de la région volcanique et l’accès à une parole imbibée d’elle, il faut comprendre le système des binarités dont Bonfanti fait usage. Il faut comprendre que, chez elle, il y a le solide et le fluide, l’écorce et le feu, le mot et le sens. Ces distinctions appartiennent à une température existentielle caractérisée : les températures amènes. C’est-à-dire : humaines, favorables. Hors de ces climats, il y a d’autres températures : des températures plus brûlantes. Ce sont les températures de la fusion. D’un côté, le monde des binarités structurées autour du solide et du fluide ; de la trace matérielle et du flux évanescent ; structurées donc autour d’un paradoxe : le fluide ne marque pas le solide, le solide ne conserve pas la série des arabesques pures du fluide. Ils sont donc liés l’un à l’autre mais l’un comme l’autre en excès sur l’un et l’autre : ils font des marges. Au sens de : il y a de la marge, entre la mèche calcinée et la danse de la flamme qui en fut à l’origine. Le signifié et le signifiant ne s’épousent guère. Et de ces marges « jaillissent les interprétations » (61). D’un autre côté, il y a le monde moniste (unitaire). La région volcanique donc. En lui, la flamme ne nait pas comme négation, interruption de la mèche ; sa torsion noire ne dément pas le mouvement sans trace du…

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Auteur: lundimatin