Foie gras : faute de canards, on gave les canes

Les canards ont été touchés de plein fouet par la grippe aviaire au début de l’année. Et qui dit moins de canards, dit en théorie moins de foie gras dans les rayons pour Noël. De quoi réjouir les défenseurs de la cause animale ? Pas vraiment, car la filière a trouvé une solution pour contenter les amateurs de ce mets, et surtout limiter le manque à gagner : gaver les canes.

Depuis vingt ans, seuls les canards mâles étaient soumis au gavage. Mais, en juin dernier, « devant un tel marasme, plutôt que d’exporter les femelles, nous avons décidé de les engraisser », explique Marie-Pierre Pé, directrice du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog).

Des canetons femelles broyés vivants à la naissance

Dans la tradition paysanne, il était de coutume de garder les canes pour la chair et les canards pour le foie gras. Mais, quand l’élevage industriel s’est développé, les mâles mulards (hybride entre un canard de Barbarie et une cane de Pékin) ont été privilégiés pour des questions de rentabilité, leur foie étant plus gros et jugé de meilleure qualité. Les canetons femelles ont commencé alors à être exportés vers l’Égypte ou l’Afrique du Nord. « Ces animaux sont très rustiques et sont utilisés dans les élevages de basse-cour », précise Marie-Pierre Pé. L’Allemagne et l’Italie ont acheté également ces canetons pour faire de la cane de chair, plat traditionnel. À partir de 2015, cette activité d’export a pris du plomb dans l’aile avec l’arrivée de la première épidémie d’influenza aviaire.

Les canetons femelles ont alors été broyés vivants à la naissance, comme le dénonçait l’association L214 en 2015 après une effrayante enquête menée dans un couvoir des Pays de la Loire. Cette année, toutes ces canettes ont donc échappé au broyage. Pas de quoi pavoiser selon L214 : « Le recul de cette pratique pour cette année 2022 n’est que conjoncturel. Cette décision de stopper le broyage des femelles n’est pas motivée par des questions de “bien-être animal”, mais bien par des enjeux économiques. Il pourrait tout à fait reprendre une fois passée cette crise sanitaire. »

Un foie veiné de moins bonne qualité

« Sur les 20 à 22 millions de canards élevés pour faire du foie gras, un tiers sont des canes », estime Julien Mora, lui-même éleveur de canards dans les Landes et membre du Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef). Pour les petits producteurs, le gavage des canes n’est pas rentable. « 30 à 40 % de…

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Auteur: Fabienne Loiseau Reporterre