Fonds pour l’Amazonie : le retour d’une initiative enterrée il y a 10 ans

Le 23 janvier 2023, la nouvelle ministre brésilienne de l’Écologie Marina Da Silva a déclaré que la situation environnementale de son pays était « bien pire » que ce qu’elle imaginait et assuré que la lutte contre la déforestation serait en tête de ses priorités après quatre années dévastatrices pour l’Amazonie sous Jair Bolsonaro.

La première forêt tropicale est un symbole écologique mondial depuis des décennies, tant pour son exceptionnelle biodiversité et sa contribution à la régulation du climat sud-américain, que pour son rôle dans l’atténuation du changement climatique. Cette contribution à l’atténuation est d’ailleurs conditionnée à ce que l’Amazonie ne devienne pas, risque identifié par les scientifiques, une savane, zone émettrice nette de carbone.

Et l’enjeu de sa préservation est de longue date considéré comme mondial – ce qui avait donné lieu en 2019 à un moment de tension diplomatique entre Emmanuel Macron et Jair Bolsonaro. Alors que le président français défendait la prise en compte de l’Amazonie comme bien commun international, celui qui était encore à la tête du Brésil lui opposait le principe de souveraineté.

Dans le cadre de la préparation de la conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, le président colombien Gustavo Petro a proposé d’aller plus loin, en créant un fonds multilatéral pour financer la protection de l’Amazonie. Il se fixe l’objectif de réunir 400 millions de dollars par an pendant 20 ans, la Colombie y contribuant pour moitié.

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Ne pas opposer souveraineté et bien commun

L’intérêt de cette formulation est qu’elle tente de dépasser cette opposition rigide entre bien commun et souveraineté. Les partisans de la notion de biens communs peuvent avoir pour eux tous les arguments légitimes sur la nécessité de la protection écologique de tel ou tel espace, le respect du principe de souveraineté reste la pierre angulaire du système international, et la gauche sud-américaine, marquée par les ingérences étatsuniennes, y est également attachée.

Dans le compromis proposé par Gustavo Petro, les modalités de protection des biens communs, ici l’Amazonie, doivent être principalement déterminées par les pays qui, souvent au Sud, les comptent sur leur territoire. C’est ce que nous pouvons appeler le multilatéralisme souverain.

Le Venezuela et le Brésil, désormais présidé par Lula Ignacio da Silva, se sont ralliés à l’initiative. Lula et Petro ont ainsi déclaré vouloir élaborer « un grand pacte pour sauver la forêt amazonienne au bénéfice de toute l’humanité ». Un sommet des pays amazoniens vient d’être annoncé à Davos pour mai 2023 afin de structurer la proposition diplomatique en cours de formation.

forêt au bord du fleuve Amazonie

Paysage d’Amazonie à l’ouest de Manaus, au Brésil.
LecomteB/Wikimedia, CC BY-NC-SA

« Yasuní-ITT », le précédent équatorien

Mais le président colombien n’est pas le premier à formuler une proposition en ce sens, ce que nous tenons à rappeler ici. L’idée d’un fonds abondé tous les ans pendant vingt ans est sans aucun doute inspirée de la proposition équatorienne avortée il y a dix ans, l’initiative Yasuní ITT. Les similitudes sont en effet nombreuses.

Issue des rangs de la gauche sud-américaine, sous le gouvernement de Rafael Correa, cette dernière suggérait aussi un fonds multilatéral pour compenser l’absence d’exploitation du pétrole sur une partie des zones d’exploitation du parc naturel et territoire indigène Yasuní. L’Équateur voulait également abonder le fonds pour moitié, car l’initiative était fondée sur la valorisation de la non-exploitation de pétrole : il s’agissait alors d’abonder pendant 13 ans un fonds à raison d’environ 540 millions de dollars par an. Cette valorisation de l’absence d’exploitation pétrolière était présentée…

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Auteur: Pierre-Yves Cadalen, Docteur en science politique – relations internationales, Sciences Po