France Inter comme les autres

René Magritte. — « L’invention du feu » , 1946.

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Le problème n’est pas, n’a jamais été les « 1 % ». Au reste si vraiment on voulait cerner la grande richesse qui fait les oligarchies, il faudrait plutôt aller chercher du côté des 0,01 % voire des 0,001 %. Non, le problème — le verrou politique — ce sont les 10 %. Les 10 % qui, ne souffrant de rien, sans être richissimes, « y » croient dur comme fer. Adhèrent à tous les énoncés de l’hégémonie, les répandent comme évidences autour d’eux, s’interloquent qu’on ne les partage pas. Une sociologie plus polémique que scientifique des 10 % dirait : c’est la classe nuisible — tout en postures, à célébrer au nom d’abstractions avantageuses (la mondialisation contre le repli, l’Europe contre les nationalismes, l’ouverture contre la fermeture) des transformations qui détruisent les autres classes. Une économie politique sérieuse (celle de Bruno Amable et Stefano Palombarini) dirait : c’est le bloc bourgeois. Une vue littéraire (celle de Sandra Lucbert) : c’est le PFLB — le PourFaireLeBourgeois. Et en effet, synthétiquement : Dans le PourFaireLeBourgeois, il y va d’une certaine position matérielle telle qu’elle permet les profits symboliques de la hauteur de vue sans le moindre égard quant à ce qui en résulte pour les autres. Là où les manants sont rivés à la nécessité et lamentablement incapables de penser au-delà de leurs fins de mois, LeBourgeois du bloc est désireux de se porter en pensée au niveau des gouvernants, avec lesquels il peut imaginairement dialoguer, partager des phrases (« le pays a besoin de réformes »), le regard identiquement tourné vers les « grands enjeux ». Et comme sa position matérielle le rend étranger à toute conséquence il se moque totalement du reste. Tout en poses et en revendications du moral highground, ce sont des pharisiens.

C’est la base sociale de France Inter (Le Monde, Libé, Télérama, L’Obs, etc.) — en fait le rêve giscardien tiré du formol, parfaitement conservé, de la « démocratie avancée ». Mais avec 1 Français sur 10 au lieu des 2 sur 3 visés à l’origine. 1 sur 10, c’est le score électoral réel de Macron à la présidentielle de 2017. Et c’est parmi eux qu’on trouve le concentrat de tous ceux qui ont droit à la parole à grande échelle : entrepreneurs complaisamment interviewés, experts, journalistes, qui bourrent les crânes à longueur de journée — avec le bon fourrage….

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Auteur: Frédéric Lordon