François Chesnais, théoricien de la mondialisation du capital et de la finance

L’économiste marxiste François Chesnais est récemment disparu. Dans cet entretien inédit accordé à Contretemps en 2014, il revient sur son parcours intellectuel et militant et sur les principaux aspects de son œuvre : les systèmes d’innovation, la finance, la mondialisation du capital[1].

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Contretemps : On voudrait revenir dans cet entretien sur une série de concepts sur lesquels tu as travaillé et sur ton appréciation du moment dans lequel on se trouve. Vaste programme ! On pourrait peut-être commencer par ton rapport au marxisme. Comment politiquement, professionnellement, intellectuellement cela s’est construit ? Quels furent les moments marquants ?

François Chesnais : Pour comprendre, il faut remonter à ma jeunesse. Par des circonstances liées à la profession de mon père et à la seconde guerre mondiale, j’ai vécu cette période non pas en France mais en Angleterre où j’ai ensuite fait mes études primaires et secondaires. Cela m’a donné cette aisance en anglais que j’ai gardée toute ma vie et qui m’a été très utile lors de mes nombreuses années à l’OCDE. De façon assez curieuse, c’est en Angleterre dans ce Public Hall, collège de la bourgeoisie, que j’ai rencontré le marxisme pour la première fois. On choisissait très tôt deux matières principales en plus des langues. L’une de ces matières pour moi fut l’histoire.  Mon professeur était un membre du parti travailliste, proche de la Fabian society. Ses cours sur l’histoire de la révolution anglaise et de la Révolution française reprenaient nettement l’interprétation marxiste. Il m’a mis entre les mains le bouquin d’Albert Mathiez. Et un jour, il m’a dit « peut-être ça vous intéresserait, vous êtes prêt pour ça », et il m’a donné des morceaux choisis des textes de Fabians. Ce fut vraiment une chance. Parce qu’ensuite je suis rentré en France et j’ai eu une année de transition à Lakanal, dans une hypokhâgne qui était absolument dominée par l’Union des étudiants communistes (UEC). J’ai pu tout de suite me rendre compte que j’avais une vision un peu différente du marxisme. Longtemps avant que je ne rencontre des trotskystes, j’étais en quelque sorte vacciné, j’avais déjà des antigènes hostiles au stalinisme.

Ensuite, et c’était là aussi quelque chose qui venait d’une tradition héritée de l’Angleterre, il ne fallait pas faire ses études là où vivaient ses parents. J’ai été envoyé à Dijon, en faculté de droit. Et c’est en faculté de droit que l’économie…

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Auteur: redaction