François Ruffin : « Après le 49.3, il va falloir que Paris déborde »

François Ruffin est député La France insoumise (LFI), fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir. Il a récemment publié Le temps d’apprendre à vivre, la bataille des retraites, aux éditions Les Liens qui libèrent.

Reporterre — Comment réagissez-vous à l’annonce du recours au 49.3 par le gouvernement ?

François Ruffin — C’est une évidente défaite pour eux, alors qu’ils ont répété des dizaines de fois qu’ils ne passeraient pas par cet article. C’est une marque de fébrilité et de fragilité. Emmanuel Macron écrasait déjà la France du travail et la France qui se lève tôt. Aujourd’hui, il écrase aussi la démocratie. Le président avait déjà perdu pied dans le pays, maintenant il a perdu pied à l’Assemblée !

Ce passage en force est-il historique ?

C’est du moins la marque supplémentaire d’un effritement du bloc libéral. Auparavant, ce bloc avait le luxe de pouvoir se diviser en deux, avec une alternance sans alternative du centre gauche et du centre droit. Désormais, il doit se rassembler autour d’un seul leader et ce qu’il porte est clairement minoritaire dans le pays. Le bloc libéral a, face à lui, deux Français sur trois, quatre salariés sur cinq, tous les syndicats unis et des millions de personnes dans la rue.

« Je soutiens tous les travailleurs qui s’engagent dans la bagarre »

Cette secousse s’inscrit dans une tendance au long cours. Un effondrement progressif. Le premier séisme a eu lieu en 2005 avec le référendum sur le Traité constitutionnel européen, auquel 55 % des Français et 80 % des ouvriers s’étaient opposés. L’élite avait agi comme si de rien n’était en ratifiant le traité de Lisbonne. On a eu un second choc avec le mouvement des Gilets jaunes. Le gouvernement a refusé alors tout compromis social — baisse de la TVA, fin de l’impôt sur la fortune, etc. — pour lui préférer le blabla du grand débat. À chaque fois, le bloc libéral croyait gagner, mais en réalité il perdait le pays.

Cela n’empêche pas aujourd’hui le gouvernement de se montrer inflexible…

C’est parce qu’ils sont faibles qu’ils recourent à la force. Mardi [14 mars], dans l’hémicycle, je citais le philosophe Antonio Gramsci. Il disait : « Lorsque la classe dominante n’est plus dirigeante, c’est-à-dire qu’elle n’a plus de force d’attraction, elle n’est plus en mesure de créer du consentement. Privée d’autorité, il ne lui reste que la force pour se faire obéir. » Nous en sommes là.

Le gouvernement ne possède plus que la force de coercition. Il l’a usée hier matin [16 mars] face aux éboueurs en cassant les piquets de grève, en frappant et en gazant les travailleurs avec des lacrymogènes….

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre