François Sarano : « L'emballement autour du béluga était indécent »

Océanographe, François Sarano a navigué treize années à bord de la Calypso, accompagnant le commandant Cousteau dans ses plus folles expéditions. Il est un plongeur hors pair, spécialiste des cétacés.

Reporterre — Le béluga égaré depuis plus d’une semaine dans la Seine est mort le 10 août. Quel est votre sentiment face à l’emballement médiatique qu’a suscité cette histoire ?

François Sarano — C’est indécent. J’ai le sentiment qu’on amuse les gens. Je ne dis pas que le sort de ce béluga n’était pas important, mais il est complètement disproportionné. Depuis cinquante ans, les associations essaient d’attirer l’attention sur les dégâts considérables que nous provoquons dans les écosystèmes. Chaque jour, nous sommes responsables de la mort de centaines de cétacés et autres animaux marins et terrestres. Si les personnes s’apitoyant sur le sort de ce béluga renonçaient à manger du Nutella, elles épargneraient la vie de dizaines d’orangs-outans à qui l’on détruit les forêts pour cultiver l’huile de palme. Et lorsqu’elles mangent un hamburger, pensent-elles aux centaines d’hectares de déforestation provoqués en Amazonie ? Soyons sérieux une seconde.

Si tout d’un coup, ce béluga avait été un facteur déclenchant nous permettant de réaliser que notre consommation irresponsable tue chaque seconde des animaux… alors formidable ! Mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas. S’il avait finalement été remis dans un aquarium ou à la mer, tout le monde aurait applaudi. Nous détruisons la planète au quotidien et, tout d’un coup, on trouve cela dramatique.

Sans parler des moyens qui ont été déployés pour tenter de sauver l’animal. On a mobilisé le ban et l’arrière-ban, pendant qu’à nos portes, en Méditerranée, des centaines de nos frères humains se noient. On refuse de les accueillir, des associations comme SOS Méditerranée peinent à se faire entendre… Toute cette disproportion m’écœure.

Le mystère de son intrusion dans la Seine reste entier. Aux yeux de la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, il a pu être désorienté par la pollution sonore du chantier éolien au large de Dieppe. Que pensez-vous de cette hypothèse ?

Elle a raison d’évoquer les pollutions sonores. Seulement, le béluga ne s’était pas perdu à Dieppe. Il était déjà paumé avant d’arriver en Écosse. Cette espèce vit habituellement dans les régions arctiques et subantarctiques. De nombreux clans sont présents dans l’estuaire du Saint-Laurent, au…

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Auteur: Emmanuel Clévenot Reporterre