Frédéric Rossif, l’homme des apocalypses

Il y a soixante ans sortait sur les écrans Le Temps du Ghetto de Frédéric Rossif, premier film français intégralement consacré à l’extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Ce documentaire un peu oublié est l’œuvre d’un réalisateur singulier, ancien combattant, journaliste de télévision et artiste dans l’âme. Qu’il ait décrit les comportements animaliers ou l’histoire des hommes, Frédéric Rossif a montré pendant trois décennies un monde indubitablement sauvage. 

C’est l’année des comptes ronds pour Frédéric Rossif (1922-1990). Cela ne concerne ni sa naissance, ni son décès, mais c’est au moins aussi important : 2021 est l’anniversaire de ses prises d’armes, d’abord son fusil et ensuite sa caméra. En 1941 le natif de Cetinje (Montenegro, Yougoslavie), alors étudiant à Rome, s’engage dans les troupes de la France Libre via la Légion étrangère. C’est dix ans plus tard qu’il cosigne son premier film, un court portrait d’artiste, Matisse (1951) réalisé avec Henri Langlois. 

Il faut attendre encore dix ans pour voir Rossif, devenu journaliste pour Cinq Colonnes à la Une, sortir au cinéma son premier documentaire historique, Le Temps du Ghetto (1961). L’extermination des Juifs de Varsovie est une histoire récente à l’époque, un sujet encore tiède et mal connu, peut-être en léger décalage avec les attentes d’un public qui vit pleinement ses Trente glorieuses, sa Guerre froide et sa Guerre d’Algérie. Mais l’œuvre n’arrive pas isolée, elle est ancrée dans une actualité marquée par le procès Eichmann et quelques productions littéraires d’importance, comme Le Dernier des Justes d’André Schwartz-Bart (Seuil, 1959), lauréat du prix Goncourt. 

Plus documentaliste que documentariste

Le Temps du Ghetto suit d’assez loin la sortie de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais (1956), mais il est la première production française à traiter exclusivement de l’extermination des Juifs. À cette époque commence à surgir une importante documentation sur Varsovie, faite de témoignages, photos, journaux tenus par les habitants, archives diverses et films des forces allemandes. À partir de ces matériaux, c’est un titanesque travail de synthèse et de mise en forme qui est accompli par Frédéric Rossif avec Madeleine Chapsal, journaliste de L’Express

« Il est bon de redécouvrir l’œuvre de Frédéric Rossif pour ce qu’elle est : construite, accessible, esthétique, guidée par une conviction de combattant…

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Auteur: Pierre Bonnay