Fusion TF1/M6, coup de grâce pour l'exception culturelle française dans l'audiovisuel ? — Thibault DEREIN

Voilà un mariage pour le moins inattendu ! En mai dernier, les groupes TF1 et M6 annonçaient entrer en négociations exclusives en vue d’apporter une réponse française aux défis des plateformes de SVOD selon un communiqué de presse commun. Pourtant, quand quelques semaines plus tôt, le groupe allemand Bertlesmann avait fait part de son intention de se séparer du groupe M6, les prétendants ne manquaient pas, bien peu imaginant alors que ce serait le groupe TF1 qui emporterait la mise. En effet, le groupe Vivendi était sur les rangs, tout comme Altice, Daniel Kretinsky ou encore le trio formé par Matthieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre-Antoine Capton, et toutes leurs candidatures semblaient moins problématiques que celle de TF1. Car marier la première et la troisième chaîne de France, c’est former un nouveau groupe surpuissant dans le paysage audiovisuel français, avec des risques de quasi-monopole et de position dominante sur certains secteurs, comme le marché de la publicité. Des objections balayées d’un revers de la main par les dirigeants de TF1 et d’M6 qui jurent leurs grands dieux que ce n’est pas le but de la manœuvre. Mais quel est le but précisément ?

Une stratégie peu crédible

Officiellement, la fusion des groupes TF1 et M6 a bien pour but de former une entité capable de rivaliser avec la concurrence internationale, et en particulier avec les fameuses plateformes de vidéo à la demande. C’est en tout cas l’argument d’Olivier Roussat, directeur général de Bouygues, entreprise propriétaire de TF1 depuis 1987 et qui sera par ailleurs actionnaire de contrôle exclusif de la nouvelle entité : dans un marché audiovisuel en croissance sur le long terme, la création d’un grand groupe média français devrait permettre de rivaliser avec les GAFAN, en particulier Amazon Prime Video et Netflix au sein de cet acronyme.

Mais n’aurait-il pas été plus judicieux d’investir massivement dans la SVOD plutôt que de débourser 641 millions d’euros pour racheter son principal concurrent ? D’ailleurs, il est assez cocasse de noter que c’est justement la stratégie de RTL Group, qui vend M6 pour investir dans le streaming. Pour de nombreux observateurs, le rapprochement entre TF1 et M6, présenté comme une réponse stratégique au défi posé par les géants du numérique, n’est qu’un leurre. Ce sont Élie Cohen, directeur de recherche CNRS, et Jean-Louis Missika, sociétaire à la London School of Economics, qui résument le mieux cette fusion, selon eux « dangereuse et improductive » :…

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Auteur: Thibault DEREIN Le grand soir