Füssli, une fenêtre ouverte sur la face obscure de l’âme

Quel est le point commun entre les amateurs de Shakespeare, de l’Antiquité grecque et du registre fantastique ? Tous ne peuvent qu’être conquis par l’exposition Füssli qui vient de démarrer au musée Jacquemart-André.

Les lumières qui sont en nous sont transformées en ténèbres, et les ténèbres dans lesquelles nous vivons sont terribles”, affirmait Tolstoï. Certes, il peut sembler un peu incongru de citer l’auteur le plus réaliste qui soit pour décrire l’œuvre de Johann Heinrich Füssli, peintre digne représentant du romantisme anglais du XIXème siècle… Et pourtant… Aucun mot ne semble mieux s’accorder à cet artiste aussi fascinant qu’énigmatique, mis à l’honneur au musée Jacquemart-André en cette rentrée artistique.

D’abord, il faut souligner le soin avec lequel le musée a constitué cette remarquable exposition : soixante toiles, qui permettent de s’immerger entièrement dans l’univers de l’artiste. Ensuite, le caractère exhaustif est à saluer : chaque facette, ou plutôt dirons-nous chaque fétiche du peintre, est largement présenté, à travers un dédale de pièces volontairement obscures. Adeptes du bucolisme et des toiles gorgées de soleil et de bons sentiments, passez votre chemin ! Chez Füssli, un Achille au comble du désespoir soutient son moribond cousin et amant, Patrocle, dont l’âme s’apprête à quitter l’enveloppe charnelle après avoir été tué par erreur par le fougueux Hector.

Didon

Avec l’art du mouvement et du clair-obscur qui le caractérise, Füssli donne à voir une véritable théâtralisation du deuil et de la souffrance amoureux. Thème que l’on retrouve tout au long de l’exposition et inséré dans les imaginaires favoris du peintre, comme l’univers shakespearien ou biblique. Roméo, dont seule la nuque est éclairée par un rai de lumière, se penche ainsi sur le corps inerte de Juliette, qu’il croit parti dans l’autre monde. Invité ou même plutôt projeté dans cette scène à “l’inquiétante étrangeté”, le spectateur assiste, lui aussi impuissant, à la mise en branle de cette grande machine de la Vie. Comme dans Jacques le Fataliste, “nous croyons conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène”. Les personnages de Füssli sont déchirés entre l’impossibilité de se soustraire à une force invisible qui les rend vulnérables et inexorablement victimes des assauts du sort. C’est particulièrement vrai dans le tableau de Didon suicidée, dont le sang écarlate fait écho au tissu sur…

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Auteur: Ella Micheletti