Basta! : Depuis quand mesure-t-on le bonheur ?
Gaël Brulé ingénieur de formation initiale, est professeur en santé environnementale à la haute école de santé de Genève et professeur invité aux universités de Neuchâtel et de Strasbourg.
Gaël Brulé : Nous courons après le bonheur depuis l’après Seconde Guerre mondiale. Avant, on évaluait plutôt les vies d’un point de vue extérieur, c’est-à-dire du point de vue de sa place dans la cité, dans l’espace public, de sa religion, sa famille, etc. Les deux guerres vont rebattre les cartes et, face aux échecs des grands récits qui guidaient les sociétés jusqu’alors – raison, technologie, nation – on commence à évaluer les vies par l’intérieur.
L’idée n’est alors plus seulement de vivre une vie bien – être un bon croyant, un bon citoyen, un bon parent – mais de vivre une bonne vie. Les individus deviennent alors experts de leur bien-être. Aux États-Unis – l’Europe suivra de près – les indicateurs de bonheur se développent dans les grandes enquêtes d’opinion comme celles menées par Hadley Cantril, professeur à l’université Princeton, dès la fin des années 1940.
Les enquêtes, subventionnées par les pouvoirs publics, demandent aux répondants de situer leur vie entre une « meilleure vie possible pour eux » et une « pire vie possible pour eux ». Elles ont pour objectif de montrer que la vie aux États-Unis est meilleure qu’ailleurs. Depuis, ces indicateurs combinent une forme de comparatisme et une certaine charge politique.
On ne demande pas « est-ce que tu es heureux ? » mais plutôt « comment est ta vie par rapport à ce qu’elle pourrait être ? ». Par exemple, les classements permettent de montrer que la vie est meilleure aux États-Unis que dans le bloc…
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Auteur: Pierre-Yves Lerayer