« Gangrène » dans l'Éducation nationale

Existe-t-il un lien secret ou souterrain entre Joseph Déjacques, militant anarchiste du 19e siècle, la rappeuse Casey, le philosophe de l’afropessimisme Norman Ajari et l’état de délabrement de l’Éducation nationale ? C’est en tous cas le fil que tire Patrick Samzun dans cet article passionnant.

L’histoire de l’anarchisme est une lutte perpétuelle contre le vol de sa propre puissance. La figure fondatrice de Proudhon (en 1840, en France) en masque une autre, celle de l’ouvrier-poète Joseph Déjacque (1821-1865) qui a forgé le mot libertaire contre Proudhon, dans une lettre de 1857, alors que nos dictionnaires klepto-logiques l’attribuent à ce dernier. Cette lutte est toujours contemporaine car même les auteurs qui voisinent le plus avec les idées anarchistes de critique de la domination, tels Foucault, Agamben ou Rancière, se refusent pourtant à se dire anarchistes, comme si la nécessité du rapport hiérarchique de gouvernement entre les hommes continuait de fonder ou d’orienter leur critique.

Il faudrait dire enfin que cette lutte nous semble relancée aujourd’hui avec force par un mouvement de pensée et de création émergent qui devrait pousser la tradition anarchiste à se ressourcer Outre- et trans-Atlantique tout en se redéfinissant depuis les marges de la société : le mouvement afro-décolonial, tel que l’a défini en 2019 Norman Ajari dans La Dignité ou la mort, et tel que le chante la rappeuse française Casey depuis longtemps et notamment dans son album Gangrène (2020), avec le groupe Ausgang. Chez ces penseurs-créateurs à la plume et la bouche « acérée », afro-descendant-es de France, des Antilles et des États-Unis, les principes d’une critique radicale de l’État national-républicain expriment la volonté d’une autonomie politique complète et poursuivent une visée abolitionniste intégrale. Difficile de ne pas percevoir, au-delà du symbole du groupe Ausgang (le A cerclé des anarchistes), et dans les multiples déclarations de « haine révolutionnaire du monde » chez Ajari, des échos d’un certain anarchisme que nous proposons d’appeler abolitionniste.

En effet, la tonalité existentielle des textes de Casey et d’Ajari, comme leur finalité abolitionniste radicale (détruire notre monde en tant que modernité esclavagiste, coloniale et capitaliste) consonnent pour nous avec l’anarchisme abolitionniste transatlantique de Joseph Déjacque.

Paris-La Nouvelle-Orléans-New York : l’émergence de…

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Auteur: lundimatin