Garder ses feuilles ou les perdre, telle est la question

En cette période hivernale, dans nos régions à la saisonnalité bien marquée, beaucoup d’arbres présentent des silhouettes nues et sombres, se détachant nettement des paysages. Quelques semaines plus tôt, à l’automne, leurs feuilles sont tombées. Plus ou moins précoce selon les conditions climatiques, cette perte totale du feuillage ne concerne cependant pas toutes les espèces.

Les arbres se répartissent en effet en deux groupes principaux, au comportement phénologique bien différent, la phénologie désignant chez les végétaux, l’étude des phases de développements saisonniers, feuillaison, floraison, fructification, etc.

Soit ils gardent leurs feuilles vivantes (ou du moins une partie) en hiver, ce sont les espèces sempervirentes ou dites à feuillage persistant ; soit ils les perdent toutes en automne, renouvelant la totalité de leur feuillage au printemps ; on les qualifie alors d’espèces caducifoliées ou au feuillage caduc.

Des chênes et des hêtres sans feuilles

Chênes et hêtres caducifoliés dans la forêt de Montmorency (Ile-de-France).
Thierry Gauquelin, CC BY-NC-ND

Feuilles larges et fines ou réduites et en aiguille

La sempervirence est de règle chez les conifères, ce grand groupe d’arbres résineux à feuilles en aiguilles ou en écailles comprenant sapins, pins, épicéas, etc., à quelques notables exceptions, comme le cyprès chauve (Taxodium distichum) des bayous de Louisiane, largement introduit en Europe, ou encore le mélèze (Larix decidua), présent dans les Alpes.

Chez les feuillus, qui diffèrent des conifères par leurs feuilles bien développées – où l’on retrouve les chênes, les hêtres, les charmes, les châtaigniers, les tilleuls, etc. –, les deux comportements peuvent exister, même au sein d’une même famille ou d’un même genre, comme celui des chênes (Quercus sp.).

Dans tous les cas, on observera des feuilles plutôt molles, larges et fines chez les espèces caducifoliées et plutôt réduites, coriaces, chez les espèces sempervirentes.

Concernant la répartition géographique de ces deux types phénologiques, les forêts de montagne et de hautes latitudes (comme la taïga, par exemple), privilégient les espèces à feuillage persistant.

Dans le bassin méditerranéen, siège de l’essentiel de nos recherches, les forêts sont aussi plutôt structurées par des espèces à feuillage persistant, même si les forêts caducifoliées ne sont pas rares, par exemple celles de chêne pubescent dans le Sud-Est de la France ou encore celles de chêne zéen dans le Moyen Atlas marocain.

Cyprès chauve en Lousiane

Cyprès chauves dans les bayous de Louisiane.
Thierry Gauquelin, CC BY-NC-ND

Chênes et cèdres dans les montagnes marocaines

Des chênes zéens au milieu de la cédraie sempervirente du Moyen Atlas, au Maroc.
Thierry Gauquelin, CC BY-NC-ND

Un feuillage toujours renouvelé

Soulignons que les espèces sempervirentes perdent bien sûr aussi leurs feuilles de temps en temps ; sinon les feuilles auraient le même âge que l’arbre !

Mais au lieu de perdre la totalité des feuilles tous les ans, elles n’en perdent que la moitié, ou 1/3, voir moins selon les espèces ; il reste donc toujours des feuilles vertes sur l’arbre qui est de ce fait toujours vert (sempervirent en latin), le feuillage se renouvelant ainsi sur plusieurs années.

Les deux stratégies ont leurs avantages. Garder des feuilles en hiver permettra, en région méditerranéenne, de prolonger la période d’activité photosynthétique à la période hivernale relativement clémente climatiquement.

Dans les forêts boréales, telles la taïga ou celles de montagne, il s’agira, en gardant ses feuilles plusieurs années, d’économiser des ressources, tels l’azote ou le phosphore, en quantité relativement limitée dans les sols de ces milieux.

Ce processus est facilité par le fait que les aiguilles d’espèces colonisant ces milieux, tels que les pins sylvestres ou l’épicéa, présentent une résistance au gel exceptionnelle, en concentrant dans leurs cellules un certain nombre de substances organiques qui agissent comme de véritables antigels.

Il faut en effet insister sur le fait que renouveler son feuillage tous les ans, cela a un coût. Et ce que l’on qualifie pour les végétaux d’« allocation…

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Auteur: Thierry Gauquelin, Professeur émérite, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE), Aix-Marseille Université (AMU)