Gazer, mutiler, soumettre

Manifester aujourd’hui en France expose à la violence des armes dites non létales. Paul Rocher montre que ce recours massif à une technologie supposée garantir un maintien de l’ordre plus humain, est la marque d’un étatisme autoritaire de plus en plus intolérant à toute contestation dans une période de recul social majeur. Il ne cherche pas seulement à susciter une indignation morale contre les violences policières mais à « dégager les mécanismes qui génèrent l’escalade de violence étatique à laquelle nous assistons ».

« Suivant une proposition de Simone Weil, aborder les phénomènes de violence armées “par des fins poursuivies et non par le caractère des moyens employés“ est “la méthode la plus défectueuse possible“. » « Une arme n’est pas seulement un moyen rendant possible la poursuite d’un but, c’est aussi une contrainte qui pèse sur cette poursuite. Les armes “ne servent pas seulement à agir, [elles] déterminent en quoi. Plutôt que de se demander si la fin justifie les moyens, se demander ce que le choix de ces moyens, par lui-même, tend à imposer“ » conseille Grégoire Chamayou. Ce livre propose donc une vision analytique des effets que les armes non létales produisent sur le comportement des forces de l’ordre et, par extension, sur celui de leurs cibles, les manifestants. Il vise aussi à comprendre l’ambition de la classe dominante d’assurer son hégémonie au moment décisif où elle tente de réaliser une transformation structurelle vers une nouvelle forme d’État plus autoritaire, notamment par un recours grandissant à ces armes.

Paul Rocher revient rapidement sur l’histoire des armes chimiques, avec leur usage militaire pendant la Première Guerre mondiale puis le passage à une utilisation dans la cadre du maintien de l’ordre domestique et colonial, pour leur efficacité répressive, sans aucune interrogation de leurs effets sur la santé. « Profitant de la…

Auteur: lundimatin
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