Geoffroy de Lagasnerie : « Macron est un chef de guerre sociale »

Geoffroy de Lagasnerie est sociologue, philosophe et professeur à l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy. Il est l’auteur de Sortir de notre impuissance politique (Fayard, 2020) et La Conscience politique (Fayard, 2019).

Reporterre — Comment réagissez-vous à l’usage du 49.3 pour faire passer la réforme des retraites ? Assiste-t-on à un changement de régime ?

Geoffroy de Lagasnerie — Le problème n’est pas que l’Assemblée nationale n’ait pas voté, c’est la loi en tant que telle, la manière dont elle va détruire un certain nombre de vies, qui l’est. Il y a aujourd’hui un risque de restauration des mythologies procédurales, un transfert du scandale de la loi à la forme d’adoption de la loi. Or si nous acceptons cette ligne, que nous restera-t-il pour nous opposer aux réformes violentes qui seront peut-être majoritaires dans le pays ou à l’Assemblée, sur la migration ou le chômage par exemple ? Et que se passera-t-il si un jour, au pouvoir, nous sommes minoritaires pour soutenir une loi de justice sociale ? Nous serons démunis. Il faut revenir à un raisonnement sur le fond et comprendre que la procédure nous paraît violente, parce que la loi est violente.

Quel rôle joue Emmanuel Macron dans cette bataille-là ?

J’entends parfois dire que les manifestations servent à faire entendre à Macron « la colère du peuple » et que nous devrions être plus nombreux pour qu’il l’entende enfin. Mais Macron entend très bien. C’est juste qu’il est en guerre contre les forces progressistes — et je pense même qu’il jouit littéralement de ces moments d’affrontement avec la gauche. Pour moi, ce qui se rapprocherait le plus de la macronie, ce serait la figure du chef de guerre sociale. Ces gens mettent l’État au service d’une guerre sociale contre les classes populaires, ils exposent leur corps à la souffrance, la blessure, la mutilation, la mort, pour en tirer le plus de profit. Le gouvernement est composé de nombreux millionnaires et actionnaires. Il existe un rapport concret entre leurs positions sociale et politique. C’est un pouvoir de guerre, un pouvoir en guerre. Ils voudraient bâtir un État caserne (on le voit avec le SNU, Service national universel), obéissant (on le voit avec la loi Séparatisme), où les individus seraient forcés de suivre la ligne décrétée par un chef autoritaire (En marche !) pour produire de la valeur qu’ils s’approprient ensuite ou qui, s’ils résistent, seront mutilés.

Face à un gouvernement aussi inflexible, comment agir aujourd’hui et sortir du sentiment prégnant d’impuissance ?

Il faut partir de la réalité. Sur les trente dernières années, les mouvements qui ont pris la forme rituelle de la…

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Auteur: Gaspard d’Allens Reporterre