Gestion des crises financières : des « Nobels » d’économie entre déjà-vu et révolution

C’est donc l’économie monétaire et bancaire qui aura été mise à l’honneur cette année. Les économistes américains Ben Bernanke, Douglas Diamond et Philip Dybvig sont les lauréats 2022 du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel.

Si ses homologues restent moins connus du grand public, Ben Bernanke a lui été président de la Réserve fédérale américaine (Fed) entre 2006 et 2014 et a marqué les esprits pour sa gestion de la crise des subprimes de 2008, reposant en large partie sur des pratiques non conventionnelles. Son parcours a également été marqué par un célèbre discours de 2005 qui a changé les regards sur le déficit américain : il n’était peut-être pas causé par une mauvaise gestion interne mais par un surplus d’épargne dans le reste du monde. On retiendra également un ouvrage de 1999, réédité depuis, sur la façon d’utiliser les taux d’intérêt pour juguler l’inflation.

Douglas Diamond trinque à son Nobel devant l’université de Chicago.
Kamil Krzaczynski/AFP

Certes, il s’est retrouvé à un poste décisionnaire dans une situation parallèle aux années 1930 qui était son objet d’étude, celle d’une crise financière qui s’est propagée à l’ensemble de l’économie. C’est cependant bien pour une série d’articles prolongeant un article datant de 1983 qu’il reçoit aujourd’hui cette récompense prestigieuse.

Comme Diamond et Dybvig, qui publient leur article de référence la même année, les idées énoncées ne sont pas fondamentalement nouvelles. En caricaturant, on pourrait presque dire qu’il s’agit d’un Nobel post mortem remis à Walter Bagehot et Irving Fisher, des auteurs respectivement décédés en 1877 et 1947, alors que le prix a, lui, été décerné à partir de 1969. Néanmoins, il ne faut pas oublier l’importance du travail de modélisation qu’ils ont entrepris et qui a donné à leur modèle une certaine postérité. Il faut également saluer l’intuition forte qu’était alors de ressortir ces vieux auteurs : cela n’allait pas du tout de soi au début des années 1980 de travailler leur sujet. C’est ce que nous voudrions suggérer ici.

À jamais les premiers ?

Le modèle de Diamond et Dybvig emprunte donc largement aux écrits de Bagehot. Leur enjeu était d’expliquer de façon théorique à la fois la raison d’être des banques mais aussi le risque qui leur est inhérent. Le problème est le suivant : il y a dans le monde ceux qui sont capables de prêter leur argent mais qui souhaitent aussi que leurs sous soient disponibles assez rapidement pour consommer ; il y a ceux qui veulent emprunter et qui le font en général pour plusieurs années. Il a donc fallu inventer un acteur, la banque qui puisse faire l’intermédiaire entre ces catégories de personnes qui ne se projettent pas aussi loin…

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Auteur: Jean-Bernard Chatelain, Professeur des universités en Sciences économiques, Paris School of Economics, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne