Gilet d’or – Antoine Albertina

Michel regardait la pluie tomber.

Depuis début mai, le soleil était bloqué derrière une dépression, et il pleuvait sans répit comme vache qui pisse dans tout l’Ouest du pays.
Comme Michel était au chômage depuis huit mois, il passait un certain temps dans cette position. Debout, ne supportant pas d’être assis car cela lui faisait trop mal au dos, le front et le bout du nez posés contre la baie vitrée du petit salon de son appartement.
Quand sa respiration faisait trop de buée sur la vitre, il passait un coup avec ses joues pour l’essuyer. Comme si sa tête était un torchon.
Une tête-torchon.
Un corps-éponge.
Ou une serpillière.
Michel se sentait être tout cela à la fois.

Huit mois plus tôt, il avait accepté une rupture conventionnelle avec la SNCF, son unique employeur depuis sa sortie sèche des études après un baccalauréat littéraire.
Ces dernières années, Michel commença à traîner un mal de dos chronique. Malgré les opérations et les anti-douleurs, sa colonne vertébrale lui avait rapidement fait comprendre qu’elle n’était pas exactement un rail à redresser.
Pas question de maquiller les failles du corps avec de la soudure et un coup de peinture.
Il aurait mal. Pour toujours.

Un conseiller en orientation, Michel s’était cru de retour au collège, lui avait parlé de cette rupture à l’amiable.
« Michel, il vous reste quoi, seize mois avant la retraite ? Profitez de cette offre. Partez avec les indemnités, inscrivez-vous à Pôle Emploi et attendez la retraite au chaud, c’est une aubaine. »
Quand Michel avait posé des questions sur la régularité de la procédure, et surtout si Pôle Emploi n’allait pas trop l’emmerder, le conseillé avait haussé les épaules en souriant : « Que voulez-vous qu’ils fassent ? Un ou deux rendez-vous et après vous êtes peinard. Ne vous inquiétez pas, personne ne va vous retrouver du travail, surtout à votre âge. Et dans votre état. »
La…

Auteur : lundimatin
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