Gilets jaunes : en Lorraine, les braseros chauffent toujours à la colère sociale

Saint-Avold (Moselle), reportage

« Boîte postale GJ, rond-point du Cora, parking du Leader Price, 57500 Saint-Avold. » Ils avaient leur adresse déclarée à la Poste, leur bungalow, leur propre logo qu’ils ont toujours d’ailleurs — un GJ en forme de cœur, réalisé par un illustre anonyme qui n’a jamais revendiqué son œuvre. Ils avaient le nombre aussi : 2 500, peut-être 3 000 Gilets jaunes, selon les souvenirs de ce 17 novembre 2018. Une marée jaune, en tout cas, se déversa sur ce même rond-point situé à l’entrée de la ville, au cœur d’une zone commerciale, avant de se rendre au péage autoroutier de Saint-Avold pour ouvrir gratuitement les barrières aux automobilistes.

Samedi 20 novembre 2021, le décompte est plus facile : ils sont une centaine tout au plus à venir fêter le troisième anniversaire du mouvement qui a « manqué de faire la révolution à une ou deux reprises », écrivent-ils dans leur livre Le Rond-point de Saint-Avold. Nous, Gilets jaunes, nos 600 premiers jours, publié aux éditions Syllepse il y a un an, et déjà introuvable sur place. « Il faut le commander sur Internet, on a vendu tout notre stock », nous dit l’un des 200 auteurs.

Une centaine de Gilets jaunes ont occupé le rond-point de Saint-Avold, samedi 20 novembre 2021. © Mazou

« Les jeunes de mon âge me déçoivent »

Trois ans, c’est aussi l’âge qu’ont les jumeaux de Marie. Gilet jaune depuis l’acte I — comme pratiquement toutes les personnes qui nous entourent —, cette mère courage travaille depuis ses 16 ans — elle en a 24. « Y a que des vieux », rit-elle à peine. Au micro, un homme entonne les hymnes qui ont rythmé les temps forts de la lutte. « On est là ! Même si Macron ne veut pas… » Timidement, puis de plus en plus franchement, ses camarades, rassemblés sur le trottoir, reprennent en chœur ses slogans en attendant le départ de la manifestation. « Les jeunes de mon âge me déçoivent, poursuit Marie. Ils travaillent, ils rentrent et ils attendent que ça se passe. Oh, ils se plaignent du prix de l’essence, mais pour eux, les Gilets jaunes sont des beaufs. Le mouvement a trop été caricaturé. Ils se demandent à quoi ça sert de venir se les cailler ici. Moi, j’espère que ça va reprendre. On lâchera rien. » Elle lâche surtout ces derniers mots sans grande conviction.

Marie, chauffeuse routière de 24 ans. Mère de deux jumeaux qui, comme les Gilets jaunes, ont trois ans. © Franck Dépretz/Reporterre

Saint-Avold se trouve dans l’est de la Moselle,…

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Auteur: Franck Dépretz Reporterre