Godard n'était ni dieu ni maître

« Il y a en France une coquetterie à dire qu’on ne comprend rien à Godard. Au risque de choquer, il me semble qu’une telle coquetterie s’allie à la sottise : être fier, se vanter de son incapacité à comprendre, il faut le faire ! » Elias Sanbar.

Peu après la reine d’Angleterre c’est Jean-Luc Godard qui est mort. Petit à petit c’est tout le XXe siècle qui fout le camp – les tyrans comme les camarades – nous laissant seuls dans le désert du présent.

Ayant vraisemblablement choisi sa mort et pris quelques dispositions essentielles face aux récupérateurs, Jean-Luc sera incinéré discrètement à coté de son lac et de sa forêt ; il n’y aura pas, espérons-le, de cérémonie officielle à Paris avec Gerard Depardieu et Emmanuel Macron.

Mais cela n’empêche pas toute la presse bourgeoise, du Point à Libé, de dérouler des phrases et des phrases de conneries dés l’annonce de sa mort. On pourrait presque croire qu’ils avaient préparé à l’avance leurs méchants petits discours, attendant la mort du vieux de pied ferme ou n’osant pas dire leurs bêtises de son vivant.

Il faut dire que Godard à sût jusqu’au bout cracher avec justesse sur les journalistes et démontrer en live leur petit jeu de dupe. Lui qui savait si bien comment fonctionnent les assemblages d’images et de sons. Outre des centaines de films, JLG aura aussi laissé dans l’histoire de géniales interventions médiatiques dont l’humour et le potentiel subversif pourraient nous faire dire qu’elles sont finalement ses œuvres véritables et sa contribution la plus vive à la critique de la société du spectacle.

La dernière fois qu’il a fait comme ça son cirque devant les télévisions du monde entier c’était à Cannes, en 2018. A sa demande la conférence de presse se fait sur FaceTime : un type en chemise tient un smartphone à bout de bras, sur le minuscule écran le vieux fume un cigare, les journalistes font la queue devant un micro et parlent avec ce doux mépris que l’on réserve aux malades.

La scène dure 45 minutes et c’est un film en soi. Le dispositif journalistique est complètement retourné, ridiculisé, détourné : finalement c’est lui qui les tient, c’est une conférence sur la presse. Un par un il démonte leurs questions-pièges : ce qu’il retient de 68 ? la mort d’ Overney en 72, ouvrier mao-spontex assassiné par un vigile de Renaud ou « les zadistes », alors en prise avec une absurde expulsion militaire.

En 2018 comme au lendemain de sa mort, les journalistes sont en…

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Auteur: lundimatin