Grandes écoles : 80 fois plus de chances d’admission quand on est enfant d’ancien diplômé

En France, un diplôme d’une très grande école est, sinon un prérequis, au moins un fort accélérateur aux postes de direction les plus prestigieux. Tous les présidents de la Vᵉ République sont passés par leurs bancs, de même qu’une majorité de PDG du CAC40, dont une dizaine a été formée par la seule École Polytechnique.

Toutefois, les chances d’admission dans ces écoles apparaissent particulièrement inégales. Et, même une fois le précieux diplôme acquis, les carrières des diplômés restent influencées par leur origine sociale. C’est le constat qui ressort de la thèse de doctorat que j’ai menée sur le rôle central des grandes écoles dans la stabilité des élites françaises depuis la fin du XIXe siècle.

Alors que s’ouvre pour près d’un million de candidats la première phase d’inscription sur Parcoursup, où lycéens et étudiants peuvent enregistrer leurs vœux d’orientation ou de réorientation dans l’enseignement supérieur, notamment vers les classes préparatoires aux grandes écoles, revenons sur cet envers du discours méritocratique.

Partir des registres nominatifs

Pour mener cette étude, la première étape a été de collecter les annuaires d’une douzaine de grandes écoles parmi les plus prestigieuses, recensant près de 400 000 diplômés entre 1886 et 2015, ce qui représente près d’un Français sur trois cents sur la période. Ces données ont ensuite été appariées aux carrières de 5 528 représentants politiques et de 42 074 membres de conseils d’administration.

Un certain nombre de caractéristiques ont été étudiées de manière indirecte à partir des noms de famille et des informations qu’ils peuvent intrinsèquement véhiculer, comme une ascendance noble ou une origine géographique particulière.

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Les patronymes, hors exceptions, reflètent aussi le lien des enfants avec leurs pères, le choix du nom de la mère n’étant possible que pour les individus nés depuis 2005 et n’ayant été élargie aux adultes qu’en 2022.

À partir de la distribution des patronymes dans le recensement de la population, dans les écoles et dans l’élite politico-économique à travers les générations, il est ainsi possible de construire la probabilité pour un garçon ou une fille que son père soit diplômé d’une grande école, ou qu’il appartienne à l’élite politique ou économique. Cela constitue un lien intergénérationnel entre un pseudo-père et un pseudo-enfant.

Si les candidats aux concours passent les épreuves dans les mêmes conditions, avec des copies anonymes, un certain nombre de facteurs influencent en amont leurs chances de réussite.
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Si les porteurs d’un nom de famille comme Martin sont relativement nombreux, représentant environ 0,4 % de la population, la majorité des patronymes est suffisamment rare pour informer sur les lignées. Par ailleurs, si la méthodologie a pour inconvénient de ne pas suivre la transmission maternelle, les diplômées des grandes écoles et les dirigeantes politiques et économiques étaient historiquement très minoritaires (et le restent, dans une moindre mesure).

Noblesse d’État et centralisme français

Dans sa table des familles, l’Association d’entraide de la noblesse française recense la plupart des familles d’ascendance aristocratique. Environ un siècle après la Révolution française, elles avaient 15 fois plus de chances que le reste de la population d’intégrer les grandes écoles les plus cotées, et encore 9 fois plus de chances sur la période récente, plus de deux siècles après la Révolution.

Cela souligne la rémanence du niveau d’éducation des descendants de la noblesse. Leur surreprésentation est encore plus marquée dans les écoles de commerce, où ces familles semblent par ailleurs privilégier l’admission de leurs fils plutôt que de leurs filles.



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On observe aussi une évolution de l’origine géographique des diplômés des écoles les plus prestigieuses. Les individus nés dans les régions situées au nord-ouest d’un axe…

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Auteur: Stéphane Benveniste, Post-doctorant à l’INED, chercheur associé à Aix-Marseille School of Economics (AMSE), Institut National d’Études Démographiques (INED)