Guillaume Pitron : « Un téléphone portable ne pèse pas 150 grammes, mais 150 kilos »

Guillaume Pitron est journaliste, spécialiste des matières premières et notamment des métaux rares qui servent à fabriquer les outils numériques. Il vient de publier L’enfer numérique, voyage au bout d’un like.


Reporterre — Dès l’introduction de votre livre, vous vous adressez aux jeunes de la « génération climat », en leur disant qu’ils se battent pour le climat à coups de hashtags. Sont-ils en train de rater quelque chose ?

Guillaume Pitron — Il y a un risque. Ils s’attaquent à de vrais problèmes environnementaux, l’aviation, la viande, le plastique, etc. Je suis en ligne avec cela. En même temps, ils ne réalisent pas à quel point leur mode de consommation numérique a des conséquences directes, fortes. Je tombe de ma chaise quand je lis dans une étude qu’un jeune de 18 à 25 ans en France a déjà eu six téléphones portables.

Cette génération ne voit pas qu’elle retire d’une main ce qu’elle donne de l’autre. Le numérique est extrêmement confortable, donne un sentiment d’émancipation, fait de nous des dieux au quotidien. Je me demande si cette génération résistera à cet hubris. Sera-t-elle plus sage que la génération précédente ? Il est permis d’en douter. Donc je la secoue un peu.

Credoc — Enquêtes sur les « conditions de vie et les aspirations »

Où en est-on de la prise de conscience sur les conséquences écologiques du numérique ?

J’ai eu l’impression, pendant mon enquête, que la France est assez en avance sur ces questions. Il y a eu des rapports, une proposition de loi. Les Allemands et les Scandinaves également, notamment les Suédois : ils ont développé des labels « numérique responsable » dès les années 1990. Cela consistait au début à protéger les utilisateurs, car à l’époque, les secrétaires, pour le compte des patrons, se cassaient le dos et les yeux dessus. Ils voulaient que les ordinateurs soient plus agréables à utiliser. Puis le label s’est enrichi jusqu’à ce qu’on se demande comment cela pouvait être plus agréable pour ceux qui les fabriquent. C’est comme cela qu’on est arrivé à questionner les conséquences sanitaires et écologiques du numérique. Mais on reste très loin d’une prise de conscience à la hauteur des enjeux.

Il vous a été difficile d’évaluer l’empreinte écologique du numérique. Pourquoi ?

Quand on pose cette question, quand on demande quel est le coût écologique d’une vidéo en ligne, d’un courriel ou d’un like, personne n’est d’accord.

Il y a deux extrêmes….

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Auteur: Marie Astier (Reporterre) Reporterre