Hana Hegerová : une histoire tchécoslovaque

Récemment disparue, Hana Hegerová (1931-2021) était une chanteuse presque inconnue en France, et pourtant commandeur de l’Ordre national du Mérite et chevalier des Arts et Lettres. Elle fit rayonner la chanson française en Tchécoslovaquie, notamment grâce à des reprises émouvantes de Jacques Brel et Édith Piaf. Les soubresauts politiques de son pays lui rendirent la vie plutôt difficile.

C’est l’histoire d’une femme épuisée, qui n’en pouvait plus de monter sur scène, une artiste tout en stress et en trac qui offrait à son public des récitals aussi splendides que ceux des grandes interprètes françaises, Greco ou Piaf. D’ailleurs, elle leur a emprunté quelques chansons, à elles et à d’autres illustres auteurs et interprètes comme Gainsbourg, Moustaki et Ferré. Des texte adaptés en tchèque ou parfois chantés dans leur langue originale. Hana Hegerová était si anxieuse qu’elle finit par raccrocher il y a dix ans : « Je serai mieux chez moi à jouer aux cartes », annonça-t-elle. Ce qu’elle fit jusqu’à sa mort à Prague, le 23 mars dernier, à 89 ans.

L’histoire d’Hana Hegerová est une histoire tchécoslovaque, sa vie nous raconte les péripéties du pays, en particulier après la guerre. Initialement, Hana s’appelle Carmen parce que sa grand-mère aime l’opéra. Pour ne pas sortir du lot, après le coup d’État communiste, elle opte pour un prénom plus passe-partout. Ainsi « normalisée », Hana ne peut tout de même pas accéder aux études d’économies qu’elle désire entreprendre. Une jeune bourgeoise, fille de banquier, étudiant l’économie en Tchécoslovaquie communiste ? Aucune chance. De toutes façons, le pouvoir interdit l’université aux bourgeois. Secrétaire chez Škoda pour gagner sa vie, désormais sans projet d’études, elle se tourne vers le théâtre et la chanson, d’abord dans quelques salles de sa Slovaquie natale, puis à Prague.

Rideau de fer et antisémitisme latent

Hana Hegerová se produit en France, mais trop brièvement. Bruno Coquatrix, le grand Manitou de l’Olympia, l’invite en 1967 et 1968, à une époque où la salle parisienne accueille des spectacles de music-hall du monde entier. C’est là qu’elle gagne son surnom d’Edith Piaf de Prague, même si son style de chant, pas plus que son timbre de voix, ne la rapprochent de la Môme. En revanche, Piaf et Hegerová partagent une conviction, une intensité, une manière personnelle d’habiter les textes. 

On voit aussi la Tchécoslovaque à Montréal, en 1967, où…

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Auteur: Pierre Bonnay