Hausse du salaire minimum en Côte d’Ivoire: que doit-on en attendre ?

Le grand marché d'Abobo à Abidjan, la capitale ivoirienne. Photo : Getty Images.

Les organisations syndicales et patronales en Côte d’Ivoire se sont mises d’accord fin novembre pour recommander une hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) de 25 % qui passerait ainsi de 60 000 à 75 000 francs (soit de 91 à 114 euros). Cette hausse, la première depuis 2014, vise à faire face à la flambée des prix, notamment des biens de première nécessité. Il est utile de s’interroger sur les impacts attendus de cette mesure notamment sur l’emploi et le niveau de vie, mais aussi sur les entreprises.

Effet incertain sur le marché du travail

La principale critique avancée face à une hausse du salaire minimum repose sur l’argument que la hausse du coût du travail implique une baisse de la demande de travail (par les entreprises). Ce qui accroît le chômage ou le travail informel, notamment des personnes les moins qualifiées. Les analyses empiriques sur les pays développés sont assez ambiguës sur ce point. Certes, il existe un effet négatif d’une hausse du salaire minimum sur l’emploi mais celui-ci est très faible et souvent de court durée. La littérature sur les pays en développement, beaucoup plus restreinte et ignorant souvent l’Afrique, souligne que l’effet sur l’emploi est négatif mais limité.

Néanmoins, les jeunes et les moins qualifiés souffrent en termes d’employabilité de cette politique, dans la mesure où leur productivité est proche du salaire minimal. En outre, les études se contredisent quant à l’effet sur l’emploi informel, qui occupe une partie importante de la main d’œuvre.

Cet effet négatif sur la quantité de travail doit être mis en balance avec un effet positif sur les salaires non seulement des travailleurs payés au salaire minimum mais aussi ceux qui en sont proches en termes de revenus. Une hausse du salaire minimum induit une hausse de revenus des travailleurs se situant à ce niveau de rémunération, mais aussi de ceux gagnant légèrement plus que ce revenu en raison d’un maintien de l’échelle des salaires au sein d’une entreprise, comme cela a pu être montré dans les pays développés. Cette augmentation induit une hausse du pouvoir d’achat de ces travailleurs.

Dans le cadre de l’économie ivoirienne, la diffusion peut également se faire vers le bas de la pyramide en influençant positivement les revenus du secteur informel.

Trois solutions pour les entreprises

Au-delà de l’effet sur l’emploi et les salaires, il est utile de s’interroger sur les impacts pour les entreprises. Pour bien comprendre, les effets de cette hausse, il convient de noter que les entreprises ont trois possibilités pour faire face à l’augmentation du coût du travail.

La première solution consiste à augmenter le prix de vente. Cette solution est la plus indolore pour l’entreprise car le surcoût est entièrement transféré aux consommateurs. Néanmoins, dans le contexte actuel de forte inflation, les consommateurs sont sensibles au prix. Ces derniers risquent de se détourner des produits dont les prix exploseraient pour trouver des substituts (produits proches ou recours à des produits importés). En outre, il est probable que le gouvernement ivoirien soit sensible à cette question dans la mesure où l’inflation est scrutée par les autorités (plafonnement du prix de certains biens).

Les entreprises peuvent alors couper dans leurs dépenses pour limiter l’effet de la hausse des prix. Cette stratégie, pour être efficace, devra compenser non seulement l’augmentation du coût du travail mais aussi de la hausse du prix des autres intrants, notamment l’énergie. Autrement dit, cette stratégie ne sera efficace que si les entreprises parviennent à faire des économies drastiques, notamment sur les dépenses d’investissement ou de renouvellement de l’appareil productif, au risque de grever leur développement à long terme.

Ainsi, il est fort probable que la principale variable d’ajustement soit la marge de l’entreprise. Le risque à terme est de mettre en difficulté les entreprises les plus impactées par les hausses de coût parce que leur processus de production s’appuie sur des travailleurs peu qualifiés.

Des perdants et des gagnants

L’appréciation du SMIG pourrait avoir un effet positif sur la consommation notamment si l’effet prix (hausse des salaires) l’emporte sur l’effet…

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Auteur: Florian Léon, Research officer à la Fondation pour les Etudes et Recherches sur le Développement International, Agence Universitaire de la Francophonie (AUF)