Hebel. Le levier

Hebel est un écrivain en Allemagne admiré de Kafka, Benjamin, Bloch, Wittgenstein, Canetti, Sebald – et en France presque entièrement inconnu… Depuis mai 2016, le Hebel-Kolportage diffuse par de nombreux et variés canaux (dont lundimatin : ici, et ) des traductions inédites d’historiettes de Hebel.

Ici, Frédéric Metz propose sous forme de petits paragraphes montés une présentation de Hebel en « levier ». Après tout, Hebel ne veut rien dire d’autre que levier en allemand…

« Les opinions sont pour le gigantesque appareil de la vie sociale ce que l’huile est pour les machines : on ne se place pas en face d’une turbine pour ensuite l’asperger d’huile mécanique. On en injecte en petites quantités sur des rivets et des joints secrets – qu’il faut connaître. »

Walter Benjamin, Sens unique, 1927

« verborgen Adj. Gang Tür dérobé(e) ; Hebel caché(e) ; Falltür secret (ète) »

Dictionnaire Allemand/Français, Harraps Universal, 2008, p. 662

1.
On raconte que le tout jeune Hebbel, à quinze ans, fabriqua l’un des premiers récits de sa carrière d’écrivain en pillant Hebel. Il fit de « Retrouvailles inespérées » un décalque, sous le titre d’« Amour fidèle » ; et le publia en 1828 sans mention du nom du prédécesseur, mort deux ans plus tôt. Mais Hebel, vivant, avait-il jamais rien fait lui-même, pour nourrir son almanach, que de piller ? Même « Retrouvailles inespérées » n’avait été en 1811 que le démarquage du texte d’un autre – un certain G. H. Schubert –, donné en volume en 1808, et que plusieurs journaux et revues avaient déjà repris. La question devient alors : savoir piller (c’est-à-dire transcrire ; écrire).

Et la littérature d’almanach était depuis trois siècles en Allemagne une littérature de « reprise ». Tous les ans, la Terre repasse par le même endroit – ou presque .

2.
Lorsque peu après Noël 1933 Kurt Tucholsky, depuis la Suède, recommandait à un ami la lecture de Hebel, la notoriété de l’autre, avec deux b, n’ayant cessé de croître, il précisait : « Hebel mit einem b ». Cet ami – Hasenclever, écrivain, et juif – passait alors en France son premier Noël en exil. Il est remarquable qu’au même moment, et pour ce même premier Noël, Walter Benjamin, depuis Paris, recommandait lui aussi Hebel aux Allemands, dans un bref article – qui paraissait à Vienne et Prague.

Hebel nota plusieurs rêves qu’il fit. « On m’arrêtait à Paris, comme espion, je niais mon origine. On demanda aux…

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Auteur: lundimatin