Hocquenghem, réflexions sur la défaite homosexuelle

D’une folle l’autre

Quentin Dubois

Cette intervention prend place dans ce qui a été nommé « Le jour de l’abolition des privilèges » et il me faudra prendre quelque distance avec ces termes car, comme je le soutiendrai plus avant, il s’agit pour Hocquenghem d’abolir l’homosexualité. L’abolir non point pour la fondre dans le régime discursif et politique de l’hétérosexualité mais l’abolir en tant qu’identité dont la généalogie (médicale et juridique) est dressée tout au long de l’œuvre de Hocquenghem. De s’en défaire. Précision : lorsque j’emploie le terme d’homosexualité, je renvoie à l’homosexualité dite « masculine » (dans l’autre cas, je parlerai de lesbianisme) afin de ne pas penser en symétrie ces deux subjectivités, c’est-à-dire comme simples « choix d’objets » ou « orientations sexuelles » pour reprendre le vocabulaire de la modernité disciplinaire. C’est par ailleurs cette approche symétrique qui appauvrit considérablement la construction d’un discours politique et épistémologique, d’une épistémopolitique, dans les luttes actuelles. Lesbiennes et homosexuels auraient ainsi, en raison d’une symétrie du choix d’objet (le désir du même : un homme qui aime un homme, une femme qui aime une femme), une proximité d’expériences et, dès lors, une manière de conceptualiser ces expériences, à l’identique – la question de la drague, de la violence, d’un me too, bref de ce qui déborde : le désir). Il sera question ici du douloureux problème de l’homosexualité. Une homosexualité qui n’est pas très vieille, à peine plus d’un siècle, et dont les coordonnées subjectives révolutionnaires sont quasi-éteintes, demeurant – comme je l’avancerai plus avant – à titre de traces que peut encore percevoir une folle archéologue de la modernité sexuelle.

Précaution évidente mais à répéter : il faut se garder de lire les textes de Hocquenghem à partir des conceptions contemporaine d’une homosexualité intégrée  ; mais tout au contraire comme un discours qui dans un premier temps cherche à penser le révolutionnaire, et dans un second temps, de conjurer un devenir-uniforme qui est pressenti par Hocquenghem, ce qu’il nomme le ghetto homosexuel et dont il remarque alors la constitution progressive aux USA dans les années 70 – le « ghetto homosexuel », c’est à la fois des petits quartiers où l’on fait ses courses avec des homosexuels, où l’on mange homosexuel, un banquier homosexuel, des publicités…

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Auteur: lundimatin