Houellebecq et les médias : chronique d'une idylle annoncée

En matière de choses intellectuelles et culturelles, « les médias viennent toujours au secours du succès » regrettait Jacques Bouveresse. Aussi, c’est sans grande surprise que la presse nationale a mis les bouchées doubles pour faire bon accueil au dernier ouvrage de Michel Houellebecq, anéantir.

« Interview exclusive » dans Le Monde – qui n’a pas hésité à mettre en exergue les deux citations suivantes : « La mort, je m’en fous » et « C’est avec les bons sentiments qu’on fait de la bonne littérature »… – Une de Libération, pas moins de cinq articles à quelques jours d’intervalle dans Le Parisien mais aussi L’Obs, L’Express, Les Inrocks ou encore Paris Match, tous à l’unisson pour saluer un livre devenu, par la force (médiatique) des choses, « incontournable ». La presse régionale ne fut pas en reste, de Sud Ouest à Ouest-France en passant par La Provence et Le Télégramme (liste non exhaustive).

Pour garantir un succès littéraire, il faut savoir susciter l’attente : rappeler l’engouement passé, anticiper l’enthousiasme – et les ventes – à venir. France 24 vante ainsi « la possibilité d’un best-seller », « qui capte l’attention » selon Sud Ouest, au point de constituer « l’événement de la rentrée littéraire de janvier 2022 » pour France Info. C’est encore L’Express qui incarne le mieux le rouleau compresseur médiatique au service de ceux qui en ont le moins besoin : « Annoncé plusieurs mois avant sa sortie, […] le huitième roman de Michel Houellebecq fait, comme à l’accoutumée, figure d’événement, trois ans après Sérotonine, qui a pulvérisé l’hiver 2019 avec ses quelque 450 000 exemplaires vendus. »

Un misérable petit tas de secrets

Impression de déjà-vu ? Lassitude des chiffres ? Dessinez alors un halo de mystère, agrémenté d’une touche de suspense et d’une once de scandale. L’Express, encore lui : « anéantir […] a bénéficié d’un lancement plus sophistiqué et mystérieux que jamais : édition luxueuse, omerta sur son contenu, quatrième de couverture toute vierge, pas un mot à la presse, office spécial, premier tirage spectaculaire (300 000 exemplaires) ». Le Parisien, en écho (18 déc. 2021) : « Un tampon « urgent » a été apposé sur l’enveloppe. Hier, un colis spécial attendait les journalistes culturels des rédactions parisiennes. » Aucun mystère, en revanche, quant à la stratégie médiatico-éditoriale du quotidien : co-construire et entretenir coûte que coûte l’intérêt…

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Auteur: Thibault Roques Acrimed