En relisant certains textes d’Howard S. Becker pour écrire cet article après sa récente disparition, le 16 août à San Francisco, je ne peux m’empêcher de penser à l’idiotie qu’avait proférée Manuel Valls, alors Premier ministre, après les attentats de novembre 2015 : « Expliquer, c’est déjà vouloir excuser. » Cette attaque – bien pauvre – pouvait concerner l’entière discipline sociologique et les sociologues français ne s’y sont pas trompés, multipliant les réponses, dont l’une des plus cinglantes fut l’excellent petit essai de Bernard Lahire intitulé Pour la sociologie. Et pour en finir avec une prétendue « culture de l’excuse » (La Découverte, 2016).
Le travail de Howard S. Becker, dernière grande figure vivante de la très importante école de Chicago (à ne pas confondre avec celle des néolibéraux en économie) et de la sociologie interactionniste, ne cessa également d’être raillé, voire attaqué par les autorités. En tant que sociologue de la « déviance », il produisait en effet, selon ses propres termes, des « analyses interactionnistes adopt[a]nt une position relativiste à l’égard des accusations et des définitions de la déviance construites par des gens respectables et les pouvoirs établis ». Mieux, ces analyses devenaient selon lui « radicales » quand, alors que « les autorités exercent le pouvoir en recourant pour une part au brouillage et à la mystification, une science qui rend les choses plus claires attaque inévitablement les bases sur lesquelles repose ce pouvoir ».
Dans cette conclusion du dernier article de son ouvrage le plus célèbre et traduit presque partout dans le monde, Outsiders, sous-titré « Études de sociologie de la déviance » (1), on devine déjà l’engagement politique et sociologique de Howard Becker. Après George Mead (1863-1931) et Robert E. Park (1864-1944), les…
La suite est à lire sur: www.politis.fr
Auteur: Olivier Doubre