« C’est une première dans ce type de procédure. » C’est par la voix de son avocat qu’un livreur Deliveroo s’exprime. L’homme est en procédure contre la plateforme de livraison de repas depuis qu’il a perdu son travail en 2020. Son identité n’est pas rendue publique, mais il pourrait bientôt avoir un statut unique : seul livreur salarié de Deliveroo. C’est une décision de justice sans précédent en France.
En 2017, Farid* (le prénom a été modifié) livre ses premiers repas pour Deliveroo France. Il travaille sous statut d’autoentrepreneur, il ne signe pas de contrat de travail. Sur le papier, il est prestataire pour la plateforme. L’entreprise ne paye ni cotisations sociales, ni congés, ni heures supplémentaires.
Les livreurs de Deliveroo ne bénéficient pas du statut de salarié. Ces dernières années, les tribunaux ont rendu plusieurs décisions remettant en cause cet état de fait, montrant que l’entreprise organise en fait les conditions de travail de ses livreurs, tel un employeur. « Rien que depuis le début de l’année, on a eu une cinquantaine de décisions contre Deliveroo », commente l’avocat Kévin Mention, spécialisé dans la défense des livreurs et coursiers ubérisés.
Farid a travaillé des années comme livreur « auto-entrepreneur » pour Deliveroo. Il enchaîne les courses pour la plateforme, qui lui attribue ses livraisons, surveille son travail, organise son planning. En 2020, alors que la France se confine pour faire face à la pandémie de coronavirus, le livreur, lui, continue de travailler.
Au début du mois d’avril, il contracte le Covid-19 et est placé en arrêt de travail pour deux semaines. Deliveroo suspend alors son compte. « Cette suspension, c’est une mesure sécuritaire, parce qu’on est sur du transport de nourriture, il y a des restaurants, des clients, etc. Ils ne veulent surtout pas de scandale sanitaire du côté de Deliveroo », explique l’avocat Kévin…
Auteur: Emma Bougerol