« Il est pertinent de parler d’autonomie stratégique, mais pas de souveraineté européenne » – Entretien avec le politiste Nicolas Leron

Nicolas Leron est chercheur associé au Cevipov et fondateur du think tank EuroCité. Collaborateur parlementaire du député Sébastien Nadot (Mouvement des Progressistes), il est aussi l’auteur d’un essai co-écrit avec l’économiste Michel Aglietta : La Double Démocratie Une Europe politique pour la croissance. Pour faire face aux dynamiques d’inégalité qui s’accroissent dans l’UE, en raison de ses effets de néolibéralisation, il plaide pour l’avènement d’une Europe-puissance publique et une modification du pacte politique européen.


Voix de l’Hexagone : L’Union européenne se trouve aujourd’hui dans une impasse, entre désirs de reprise en main de la souveraineté et replis nationalistes. N’en est-elle pas en bonne partie responsable, puisqu’elle s’est construite sans les peuples ?

Nicolas Leron : Si je pense que l’UE est en partie la cause de cette impasse, dire qu’elle est, pour autant, responsable, sous-entendrait une forme de volonté ou d’intention de sa part. Je crois beaucoup plus à une analyse sur un plan structurel ou systémique, comme effet systémique, que comme projet politique intentionnel ou complot néolibéral. Quand je dis que l’intégration européenne contribue à ce phénomène politique de la montée des populismes, c’est à la suite d’une analyse de l’architecture générale de l’intégration, à la fois dans ses dimensions économiques, juridiques et politiques. C’est ce que nous avons, Michel Aglietta et moi, voulu démontrer dans notre essai La Double démocratie. Une Europe politique pour la croissance (Seuil, 2017). Notre analyse est la suivante : l’intégration européenne s’inscrit bien sûr dans le mouvement de la mondialisation. L’UE a contribué à la mondialisation mais elle n’en est pas la cause. Elle est plutôt venue ancrer la mondialisation, voire la catalyser, sur le continent européen.

Il faut garder en tête l’existence d’une spécificité européenne, par comparaison aux États-Unis ou à la Chine. En Europe, on trouve une architecture à deux niveaux, avec des États souverains qui sont membres de l’UE. Cela produit des effets complexes et structurels sur les démocraties nationales. La « crise » éprouvée en Europe a d’abord un versant politique ou démocratique, et ensuite un versant économique. Il s’agit d’une crise du politique. Le marché intérieur a pour conséquence d’engager les États membres dans un système de compétition règlementaire qui tend au « moins-disant social et…

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Auteur: Ella Micheletti