« Il faut égorger la langue française »

Ce quatrième volet de la série « Enjoy the ride » poursuit le projet d’une « prose à streamer », voire d’un chamanisme du péril. Le petit prince de Marseille, Zamdane, avait synthétisé cette idée simple qu’on voudrait bien lui voler : « T’écoutes comme si c’était un podcast ». T’écoutes, donc, et même tu réécoutes : to stream, ça ruisselle. Et parfois, à la faveur de la grâce du stream et des bifurcations, au détour d’une phrase, d’un son, d’une couleur, d’un bloc de sensations, d’une expérience fabulée ou d’un souvenir de quelque chose que tu n’as jamais vécu, ton âme s’arrache de sa torpeur, secouée, et puis tu vois, réellement – même pas tu « poétises », tu vois (c’est important).

Il n’est plus temps de faire bégayer la langue. Il faut la faire couiner ! Jusqu’à entendre les nouvelles couleurs au bord de ses plaintes. Stridence aiguë de son cri efflanqué qui déchire les membranes de la séparation des êtres et des choses, destitue les concepts d’entendement à l’origine de la grande découpe du monde abstrait ; éclair de vision qui parcourt ensemble le corps et les territoires ; aberration chromatique née de rencontres imprévues. Et toujours répéter les aventures de la perception. Car le bégaiement est encore… trop-trop-humain. Il ne fait que représenter le galop imparfait du temps des mots, encore entrevu derrière la porte entrouverte. Il ne saisit la chute qu’à-demi, comme comédie ou comme farce, dans l’intervalle burlesque des saccades à la seconde : un théâtre du pixel et une poésie animée au lieu d’un théâtre du pigment et d’une poésie chargée du sang incrée. Le mauvais infini des petits carrés plats au lieu de l’infini des plis aux mille dimensions incompossibles. Donc, remettre le programme à l’endroit : comment sortir sans s’en sortir ? Question pas rhétorique – car on s’en sortira pas. Question de magnétique des profondeurs : où sont les forces ? Et question de chirurgie clinique – car on a besoin d’outils fins et métalliques pour reprendre la mélodie, réexaminer les motifs de la création et de la chute : voix de fer et lames de précision pour se taillader des ouvertures. Question de vie ou de mort : où c’est qu’on respire ? Nouveau principe baroque déjà énoncé : principe de respiration suffisante. Changer de stratégie, changer d’air : fendre la gorge plutôt que les mots. Et réveiller l’énergie qui couve,…

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Auteur: lundimatin