Nathalie Quintane revient sur la parution, aux éditions La Tempête, du livre de Nanni Balestrini (1935-2019) Chaosmogonie et sur ses enjeux pour aujourd’hui.
Est-ce que tu vas perdre ton temps si tu lis Balestrini ? Est-ce que tu perdras plus ton temps à lire Balestrini qu’à lire Bruno Latour ? Pourquoi, pour te présenter Balestrini, je me sens obligée de te d’abord dire qu’il était membre de Potere Operaio, qui n’était pas une équipe de poètes, comme on dit dans le foot ? Pourquoi, espérant t’accrocher d’un doigt par le revers d’un pull sans revers, j’ajoute qu’il a dû fuir l’Italie à la fin des années 70, pour des raisons que peut-être tu devines ? Qu’est-ce que c’est que ces médailles que je me dois d’épingler avant de pouvoir parler ? Est-ce qu’un poète édité par une maison qui publie des essais, de la théorie, est un pétard au milieu d’un concert, ou alors un grumeau dans le potage, ou plutôt le fil qui pendouille d’un pull jacquard, qu’on tire d’un coup sec ? Pourquoi, pour entrer dans un livre, a-t-on besoin de passer d’abord par le perron, puis le vestibule, ou le hall d’entrée, et enfin le salon ? Et pourquoi, pour penser, a-t-on besoin d’une exposition de pensées, à l’accrochage clair, aux lumières dirigées, avec un panneau « entrée » à l’entrée et un panneau « sortie » à la sortie ? D’où vient que, même dégoûté du système scolaire, on adore apprendre plein de choses ? Et d’où vient qu’on suppose (ne se supposant pas supposant) qu’en traversant une exposition de pensées, on apprendra forcément plus de choses qu’en écoutant Erik Satie ou en lisant Balestrini ?
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Mais peut-être que je me trompe, peut-être qu’une bénévolance, une échancrure, te mets tout prêt à accueillir ET Cesarano ET Balestrini, que tu lis le matin Althusser et le soir Alferi — qui sait ce que les lecteurs lisent ? Alors, lectrice bénévolante,…
Auteur: lundimatin
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