Il n’y a pas de version française officielle de la Loi constitutionnelle de 1867. Le serment au roi en français est-il valide ?

Depuis l’élection des premiers députés péquistes en 1970, la controverse entourant le serment d’allégeance au souverain que doivent prêter les députés québécois avant de prendre leur siège à l’Assemblée nationale soulève les passions et suscite de vifs débats.

Cet automne, le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a alimenté la polémique en clamant haut et fort son intention de ne pas prêter serment au roi Charles III. Ses collègues péquistes ont pris la même position, suivis des députés de Québec solidaire, qui se sont toutefois ravisés depuis.

En effet, le 2 novembre, le président de l’Assemblée nationale, François Paradis, a rendu une décision dans laquelle il affirme sans équivoque qu’un député ne peut prendre son siège à l’Assemblée nationale sans avoir d’abord prêté serment au roi. Il a en outre scellé la décision en ordonnant à la sergente d’arme d’expulser du Salon bleu tout député qui refuserait de se conformer à cette obligation.

Pour sa part, le gouvernement caquiste de François Legault s’est engagé à déposer à l’Assemblée nationale un projet de loi qui permettrait aux députés québécois de se soustraire à l’obligation de prêter serment au roi. Néanmoins, comme le démontre cet article récemment publié sur La Conversation, un doute subsiste quant à la capacité de la législature du Québec de modifier de façon unilatérale les dispositions pertinentes de la Constitution.

En tant que constitutionnalistes et experts en droits linguistiques, l’intérêt accru que suscite le serment au roi nous incite à explorer une autre question souvent reléguée au second plan : la pratique parlementaire permettant aux députés québécois et à leurs homologues fédéraux de prêter le serment au roi en français est-elle constitutionnelle ?

Seule la version anglaise de la loi de 1867 a valeur officielle

La question se pose puisque l’obligation de prêter serment trouve sa source dans l’article 128 et dans l’annexe V de la Loi constitutionnelle de 1867, une loi adoptée par le Parlement du Royaume-Uni et dont seule la version anglaise a, à ce jour, valeur officielle au Canada. Si l’on s’en tient au texte officiel, tout député devrait donc prêter serment en anglais en répétant la formule suivante :

I (Member’s name) do swear, That I will be faithful and bear true Allegiance to (His) Majesty (King Charles).

Il existe bien des versions françaises officieuses de la Loi constitutionnelle de 1867, publiées sur les sites du ministère de la Justice du Canada et du Secrétariat du Québec aux relations canadiennes, dans lesquelles cette formule a été traduite. Cependant, ces traductions n’ont pas force de loi.

Le roi Charles III et la princesse Anne suivent le cercueil de la reine Elizabeth II lors de ses funérailles nationales à l’abbaye de Westminster, le 19 septembre 2022. Prêter serment au nouveau roi suscite la polémique au Québec et au Canada.
La Presse canadienne/AP-Andreea Alexandru, Pool

Le fait qu’aucune version française officielle de la Loi constitutionnelle de 1867 n’existe en 2022 n’est ni plus ni moins qu’une aberration. Cette réalité est d’autant plus troublante que l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982 impose au ministre de la Justice fédéral l’obligation de rédiger une version française des textes constitutionnels canadiens qui, à l’instar de celui de 1867, n’ont été promulgués qu’en anglais pour des raisons purement historiques.

Une fois la version française rédigée, travail qui a été effectué en 1990, celle-ci doit être déposée pour adoption immédiate. Toutefois, son adoption ne peut avoir lieu qu’en vertu de la procédure de modification de la Constitution. Dans le cas de la Loi constitutionnelle de 1867, l’adoption d’une version française intégrale requiert le consentement de tous les membres de la fédération. Quarante ans après le rapatriement de la Constitution, ce degré de consentement n’a toujours pas été atteint en raison d’un manque de volonté politique.

L’option de prêter serment en français existe depuis 1791

En dépit de la problématique…

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Auteur: Yan Campagnolo, Professor of Constitutional Law, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa